Nul ne doit mourir en vain

Le beau spectacle
L’Effondrement programmé
Le voilà
Il a mis sa couronne de deuil
Son voile de cauchemar
Il monte un cheval noir
D’où vient-il ce triste sire
Ce déchet de nos accomplissements
Enterrant sur son passage
Des multitudes
Des innocent.es

La grandiloquence
L’Homme si grand H
Evertué de munificence
Un être microscopique
Sans état d’âme
Sans pitié ni compassion
Vient mettre à genoux ta prétention
 
Des barrages
Coupant l’eau des peuples
Des centrales
Irradiées de cailloux
Des mines
Abreuvées de sueur et de sang
Des usines
A dos d’hommes et de femmes
Des laboratoires
Expérimentant les extinctions d’espèces
 
Ils sont morts
Pour l’ambition des puissants
Elles sont mortes
Pour leurs projets d’avenir
Que reste-t-il à ces familles déshéritées
Des cendres au fond des fosses communes
Et l’empathie du présentateur télé
 
Et nous, pauvres survivants
Assistants bénévoles
Révoltés confinés
Secouristes sacrifiés
Damnés guérisseurs
Alerteur.es de toujours
Vrais protecteurs
Voici notre colère
 
Le plan
Ce bout de parchemin virtuel
Sur lequel nos vies s’effacent
Au profit du profit
 
Le contrat
Où s’affairent des adhésions truquées
Obligées de signer
Sans contrepartie
 
L’appartenance
De son corps à la science
De son être à la Nation
De son cerveau à la propagande d’Etat
 
La culture
Des dominants vers les dominés
Forcés de se taire
Et de créer sous terre
 
La vie
Au fond du silo mortuaire
Au trente-sixième dessous
Dans les allées de l’attente
 
Le fléau
L’intime récompense
La sublime réponse
Un héros incompris et cruel
 
Quelle pitié 
Aucune
Pas plus qu’un gouvernant
Sur son gouverné
 
Tu n’es pas mort pour rien
Mon ami
Je continuerai l’œuvre de ruine
J’écroulerai le dessein de tes meurtriers
Je détruirai ses temples financiers
Je raserai ses palais
Et les balcons de sa suffisance
 
Tu n’es pas morte pour rien
Mon amie
Quel que soit ton pays
Des êtres paieront
Des êtres de chair
Comme tu l’étais
Pour t’avoir tuée
Toi et tes enfants
 
Les montagnes se réveillent
Les océans regorgent d’animaux
La nature verdit
Les prés de mon enfance refleurissent
L’air augmente
Et nous sommes en prison
 
Regarde tous ces fous
La clé sur le démarreur
Prêts à charger une foule de produits
Dans le coffre de leur automobile
Je voudrais que tout continue à s’arrêter
Que s’évaporent par centaines
Les promoteurs du miracle satanique
Au pied de leur encensoir
Vaincu par la honte, la bêtise
Ou par la main de spectres vengeurs
 
Je ris de la situation
Debout sur un mur
Comme le coq de la fable
Moqueur et sage à la fois
Je ris de vos malheurs
Je ne souhaite que votre perte
Et votre solitude
 
Je vous parle
À vous
Marchés couverts
Cellules de crises
Vitrines privées
Pôles de décision
Zones V.I.P.
Abjectes inventions murées
 
Je vous vois
Défait du matin sanglant
La gorge malsaine
Les yeux de marbre
Et je crache sur vos espoirs du soir
 
Encore des rires
De la joie et des danses
Sur le cercueil de ta société passée
Vous ne serez pas morts pour rien
Nous finirons le travail
À coups de boule
À coups de crosse ou de fusil
À coups de vengeance
 
L’amour n’est plus
Une distance s’en est emparée
Ils avaient tout prévu
Médité et programmé
Ils copulent en secret
Dans des tours de verre pilé
Arrosés d’eau de javel
Et oppriment de père en fils
Ceux que vous chérissez
 
De prières en sacrifices
Nous mettrons fin à l’ordre odieux
Vous ne mourrez pas en vain
Vous qui souffrez
Sur un lit d’hôpital
Pour toute récompense
A vos décennies de vie
Et d’espérance
En un monde meilleur
 
Il sera meilleur
Je vous le dis
Comme un serment à la partie
Qui va se jouer
Se jouer bientôt
Les armes à la ceinture
L’intelligence dans les actes
 
Nous jetterons la base et la cime
A tous les vents de la colère
Reviendront au printemps
Le cri des oiseaux terrestres
Et les courants marins
Porteurs de perspectives
Modèleront l’à venir
 
Pour ça
Mes ami.es
Nous ne les laisseront pas
Reconstruire l’injustice
Ni contrôler l’Alpha
Et moins encore nos Omega
 
En route vers les rives infinies
Je rame sous un soleil furieux
Je suis le peuple de la terre
Engagé contre le mensonge et l’infamie
Je ne veux plus de ce système intransigeant
Je refuse ce mélange d’huile et d’eau
Où fondent les désirs des démunis
En l’or des prédateurs
 
Il.les ne doivent mourir en vain

***

Illustrations : Warner Bros. Pictures – INCEPTION de Christopher Nolan

*

OR LA LOI – II

     Encore un extrait contaminé. Quand je vous dis que c’est une véritable obsession. Après, tout ça n’est qu’une histoire de traitement. Pour mon personnage, c’était pas un problème, suffisait de penser : solution. Si cet extrait d’OR LA LOI – II rappelle quelque chose aux anciens, qu’ils me le fassent savoir.

Vous êtes prêt ?

***

Or la loi

 Monsieur le ministre
Voyez un peu
Un de la haute
Un aristo
Au tribunal
Le grand
Près la Conciergerie
Ça ‘vous rappelle pas
La Marie-Antoinette
Toutes les grandes dames
S’appellent Marie
Je m’écarte
J’en étais où
Ah oui le procès
Deux ans de procédure
Le sujet de l’affaire
Retraitement chimique
Dans un bled
Des autorisations
Signées sans regarder
Des pots de vin
Gros comme le Titanic
En avant la musique
Les gros travaux
Maestro
Une première plainte
Une instruction
Et une enquête
Responsabilité civile
Ou administrative
On cherche
Mais en fouillant un peu
Au aperçoit au fond
Qu’une petite commission
De faisabilité
Dépêchée à l’époque
Avait rendu son opinion
NON
Nous étions prévenus
Dès le début
Avant l’heure
Ce serait trop risqué
Pour la faune
Pour la population
Et le produit chimique
N’est pas au point du tout
Nous rendons notre avis
À Monsieur le ministre
Ce qui n’arrange pas
Les flux liquides
Alors vous savez quoi
On étouffe l’affaire
On remercie la commission
Bâillonne les associations
Tous les défendeurs de l’espèce citoyenne
Et pendant ce temps-là
Le produit se répand
Comme la misère
Sur le pauvre monde
Dans l’eau
Dans l’air
Sur les récoltes
Dans les maisons
On essaie d’enrayer le phénomène
De noyer le poisson
On parle de radiations étrangères
Mais le fait est là
Un premier village
Rayé de la carte
Puis un autre
Les communes alentour
Cela fait force bruit
Des périodiques qui s’y frottent
S’y piquent
Des manifestations
Les familles
On s’inquiète
Qui sont les responsables
Le directeur du centre
Qui se retourne contre le gouvernement
Le ministre
Qui dément
Et c’est l’affaire
On ne dénombre plus les morts
Les paralysés
Les paraplégiques
Et les myopathes
Les radiés
Et j’en passe
Tout le dictionnaire médical
N’y suffirait pas
La cour des miracles
Le Tchernobyl du XXI° siècle
À cent bornes de Notre-Dame
Procès
Ça cause
Réquisitoires enflammés
Endiablés
Endeuillés
Affiche complet
À chaque séance
On ne compte plus les appels
Les pourvois
On invente des procédures
Exceptionnelles
Rien que pour le ministre
 Enfin le jour J
Jugement dernier
Acquitté
Innocenté
N’a rien à voir
Avec tout ça
Tout blanc
Le Mônsieur
Ben voyons
Et les gosses difformes
À jeter aux ordures
Les femmes enceintes
Opérées d’urgence
Les hôpitaux bondés
De gens tout abîmés
Et les crèches en berne
Qui ont cessé de jouer
Les écoles en mouroir
Où s’enseigne la fin
Les salles dispensées de sport
Dont on se sert de dispensaires
Les mairies transformées
En cellules de crise
Et tous les chants
De ces opéras de misère
Les pleurs des spectateurs
Les offices funèbres
Qu’on rejoue à tous les actes
Les levers de rideau
Sur les gens esseulés
Qu’ont perdu leur conjoint
Leurs parents
Leurs enfants
Ainsi
Lorsque le verdict est tombé
Du siège des juges
Jusqu’aux lattes du parquet
L’humanité présente
Eut le droit de regagner la sortie
Alors
Les relents de dégoût
Dans les gorges serrées
Se sont déversés en clameur
Les gens se sont levés
Et tous debout
Se sont mis à cracher
Une salve d’horreur
Dans la salle aux audiences

*

 Je suis dans cette salle
Près du gars qui parade
On le félicite
Par ici
Tandis que par là
On le hue
On hurle au trucage
Mais il est sauf
Ne craint plus rien
Sa responsabilité
N’est pas engagée
Au premier rang on prend la pose
L’indignation est repoussée
Au dernier rang
Pas d’indemnisation
Pas aujourd’hui
Faut retourner chez vous
On a plus de chez nous
La morne plaine
Que tout le monde sorte
Qu’on évacue la salle
Les photos claquent
La presse
Comme d’hab’
Aux premières loges
Fini le triste Sire
Ministre a beau sourire
Vous comprenez
Je suis irréprochable
Je suis un grand ministre
Un parolier des hémicycles
Le ténor de vos mercredis
Je repars en campagne
Je suis présentable
Lavé
J’ai gagné
Dès demain
Près de chez vous
Et vive la France
 La foule
Je remonte sur ma moto
Empruntée pour l’occase
Mets le contact
Le casque
J’enclenche
Devant la grille
Du Palais de Justice
Du monde
Et des gendarmes
Des avocats
Et des juges
Des photographes
Des journalistes
La foire d’empoigne
S’il vous plait
Parlez plus près du micro
De celui-ci
Rapprochez-vous
Monsieur l’Ministre
Pour TF16
Toujours plus près
De mon joli pan pan
Et le coup part
Feu Monsieur le ministre
Sans autre forme de procès
En plein dans son joli nœud de cravate
Décoration
Grand-croix de la Légion d’horreur
Croyez-moi
Je n’ai pas attendu
Les félicitations du jury
Les acclamations du public
Les interviews à chaud
Roue arrière
En avant toute
Sur les pavetons de la peine capitale
Juste avant que n’arrivent les pandores
Avec leurs casques durs
Rien que pour moi
Messieurs
C’est trop d’honneur
Tout plein de beaux motards
Tout en bleu et en noir
 OK 
Vous voulez qu’on s’amuse
Que je me dis
Direction voie sur berge
À deux pas
De l’autre côté de la Seine
L’ai emmanchée à contresens
La Pompidou
Plein pots
Plein phares
Savent aussi piloter
Ces gars-là
J’ai intérêt à me magner
À donf ’ sur la gauche
J’use la béquille
Sur le trottoir
Ça frotte
Ça fait des étincelles
Comme dans une forge
Acier contre la pierre
Tu vas t’bouger
Ducon
Rien compris
Celui-là
Il va se vomir
Dans un bruit de ferraille
Une bétonneuse tombe à la baille
Moi je bourre
Une pointe à 180
Sous les Tuileries
S’attendaient pas à ce coup-là
Les dobermans
J’aime la surchauffe
Les moteurs bouillants
Qui vrombissent
La vitesse pure
Et le risque par-dessus tout
 Tiens, la garde républicaine
Qui me file le train
Toute une horde Cours la Reine
À la chasse au mandrin
Je passe sous le Pont d’Iéna
J’évite deux-trois connards
Qu’essaient d’me faire valser
 
Des héros
Qu’on dira dans la presse
J’arrive à Bir Hakeim
Il y a des travaux
Je glisse sur le sable
Et je me viande
Je lâche la bécane dans le fleuve
Devant les automobilistes médusés
Rétablissement
 
Vite
 
Des marches métalliques
Serties au mur du pont
Je monte à toute vitesse
Ça sent sacrément le roussi
Je n’avais pas prévu
Que j’allais me gaufrer
À cent quarante à l’heure
Plus vite
Rejoindre le 16°
Et me confondre dans la foule
Me perdre dans les rues
 
Trop tard
 
Voici la meute qui rapplique
Je cours
Ne sais plus où aller
J’ai entendu des coups de feu
On m’a tiré dessus
Vous connaissez la suite

***

***

Diego Movilla – Par effraction

La peinture sans les peintres aurait peu de chances d’exister. À Tours comme ailleurs s’expriment dans la lumière de leurs ateliers des artistes de toutes nationalités et de cultures souvent diverses, alors que dans nos rues parfois survoltées des populations vont et viennent, du travail à l’école, de leur maison aux spectacles, sans toujours savoir les talents qui œuvrent parfois juste à côté de chez elles.

La rencontre avec l’art et ses créateurs n’est pas chose si aisée. Enchaînés à nos quotidiens, nous traversons tant de situations et de lieux qu’il faut le secours du hasard pour entrer en contact avec celles et ceux qui nous transmettent, au présent comme pour l’avenir, le fruit de leurs réflexions et de leurs visions.

Dans l’atelier de Diego Movilla trois demoiselles espagnoles en vertugadins

L’émerveillement est rare. Qui s’extasie encore à la contemplation quand il faut sans cesse remettre sur le métier la main et l’esprit ? Je suis journaliste ou charpentier, caissier ou conducteur de camion, mes yeux et mon corps sont occupés à la tâche. J’attends, souvent avec impatience, l’heure de retourner dans mon foyer et d’y retrouver ma famille. Patient, j’occupe mon temps à rendre à la société et pour moi-même ma part de besogne, que j’y prenne du plaisir ou non, que je pointe à un organisme social ou participe à une action bénévole. Pourtant, le rêve reste omniprésent et c’est grâce à lui et à l’espoir qu’il couve que mes facultés intellectuelles restent en éveil. Une forme étonnante, une couleur étrange, un agencement de traits inhabituels, n’importe quoi de différent et un monde nouveau s’illumine.

J’ai toujours considéré l’art comme une magie. Chaque artiste en a une conception particulière, au même titre que l’amateur, éclairé ou non. C’est sûrement une question de goût ou une prédisposition à la sensibilité du monde extérieur. Patience, contemplation et refus de fermeture, l’art a l’esprit entr’ouvert en toutes circonstances. Il laisse passer la lumière même pendant les périodes les plus sombres. C’est une discipline en soi, une volonté de rester éveillé quoiqu’il arrive.

Nul ne peut effacer la nature

La pluie, les mauvaises nouvelles, la politique, les soubresauts de l’économie, les injustices si cruelles sous tant de climats, les accidents imprévisibles et les catastrophes, l’âme est vigilante et aucune situation ne pourrait l’empêcher de s’évader ou de rester fidèle à elle-même, quel que soit le régime en place. Aussi ces rencontres hors du commun sont-elles aussi essentielles à la réflexion que des rides sur les visages des anciens ou que des tournoiements dans le jeu des enfants. Tant pis si dans le sillage de la création, parfois, l’hermétisme hante l’imaginaire des adultes ; la magie persiste à qui ose voir, à défaut de croire.

Ensuite, tenter de rendre compte de la représentation du monde selon Diego Movilla participe d’un certain défi à l’écriture. La critique d’art ou l’essai m’ont paru insuffisants compte tenu de la diversité des voies suivies par Diego, d’autant que la densité du champ pictural ou plastique dans laquelle toute son œuvre évolue est concentrée dans une logique implacable. Du coup (j’écris comme je parle), en discutant autour de sa palette une bière à la main et une cigarette dans l’autre, un œil sur une ménine dégommée et l’autre sur une installation en cours, la dimension ludique du propos m’est apparue probable.

Une palette de couleurs, preuve de la peinture.

D’où ce discours un tantinet théâtral autour de trois personnages, Jean, Conceptión et Arthur, comme les représentations oniriques de ce que m’inspirent les œuvres de Diego. Mais encore, le cours de leurs aventures est aussi alimenté par les différents documents ou textes déjà écrits par des collègues écrivains, critiques ou philosophes. Le peintre est notre sujet, nous le décortiquons tel un prisonnier pour mieux l’analyser, le dépecer, le démembrer, l’assujettir, le rendre esclave de notre pensée au risque, pendant que nous y sommes, de le trahir.

En définitive, puisque celle-ci est si rétive à se donner d’elle-même, nous nous rendons tous à l’évidence d’une effraction pour parvenir à la connaissance.

***

Mail du 5 novembre 2019

Bonjour Diego, 
Comme tout à une fin présumée, je déclare avoir terminé le petit texte dont tu as déjà eu un bref aperçu. 
Je me rends compte que c’est un essai difficile. 
Ton œuvre est si dense et si intelligemment fracturée que l’aborder de cette manière constitue une complexité qui m’a déjà bien mouvementé les cellules cognitives. 
Sans doute des textes plus théoriques, comme ceux que j’ai parcourus dans tes catalogues et sur ton site auront l’analyse nécessaire à une compréhension plus narrative. 
Ce qui m’a intéressé, c’est l’aspect ludique et très enjoué de toutes ces façons très disparates de remodeler l’existant, « au risque » de le casser pour lui redonner une nouvelle vie, en quelque sorte. 
C’est vrai que nous sommes souvent conditionné.es par des modes de représentation que si nous ne les remettons pas en question, par un procédé ou un autre, fût-il celui de la déconstruction, nous ne parviendrons jamais à nous en délivrer.
Je crois que ton travail, parmi d’autres qualités, permet justement une émancipation de ces codes ancestraux et souvent pesants.
S’ils nous ont conduits jusqu’ici, rien ne dit en effet qu’ils aient raison, aussi peut-on imaginer qu’un autre présent eût été possible en bifurquant à tel ou tel moment/endroit. 
Le rapport au temps, si j’interroge ce processus, sera constamment remis en question. 
Il y a de la fiction dans ce que tu tentes de nous dire à travers tes peintures et tes installations. 
C’est pourquoi Jean, Conception et Arthur ont pu naviguer d’un lieu à un autre sans se soucier des frontières. 
On en reparlera, je mets en forme l’existant avec les matériaux dont je dispose et je te préviendrai lorsque la première mouture me paraîtra assez aboutie pour la confier à ton jugement. 
Quoiqu’il en soit, cela restera un document de nature amicale, mais s’il peut nous ouvrir des portes ou défoncer des fenêtres pour nous faufiler par effraction vers des possibles, alors tant mieux. 
Bien à toi et à bientôt. 
mp

 TIRAGE DE PORTRAIT
 
  10 exemplaires numérotés de 1 à 10
+ 2 exemplaires marqués MP et DM
 
DIEGO MOVILLA / PAR EFFRACTION
Fait à Tours le 12 décembre 2019 © Tout droit merci
 Impression numérique
Couverture sur Arjowiggings Pop’Set Oyster
Intérieur sur DCP Clairefontaine ivoire

***

« nico nu » vs Buren

Mardi ‎28 ‎août ‎2007

À Nicolas, Nico ou nico nu.

Comment te peindre, camarade, sans pinceau, sans peinture, autrement qu’avec des mots. Est-ce une époque à verbe ou un temps pour les maux ? J’ai peur de le savoir. J’écris un roman, « nico nu » pourrait en être le héros, un homme en lutte contre le mauvais temps mais en phase avec l’aurore. Le voici, à l’inverse de mes personnages de fiction, plus fatidiques dans leurs costumes de romance, le voici dans son rire sans théâtre.

Je voudrais bien, Nicolas, faire de l’humour comme tu sais si bien le faire. Trop tard, l’époque ne convient plus. Juste suivre une pensée, et encore. Je suis plus près de Shakespeare que d’Aristophane, ou l’inverse. Un aveu : ce qui m’intéresse, mon frère d’armes culturelles, c’est la dimension dramatique. Le tragique de la comédie.

Vois, notre paix molle où beaucoup se résignent. Ne nous y fions pas. Je vois les travers futurs et cherche les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui sauront prévenir nos enfants du danger et les rendront plus courageux. Je les cherche pour les voir et apprendre. Tu es un de ces hommes, Nico, je sais bien que ta vie est ton œuvre désormais, qu’elle patiente sans attendre. Le panthéon des hommes n’est pas forcément près du jardin du Luxembourg. On peut méditer en secret et en silence une gloire jalousée parmi quelques personnes de qualité, autour d’une table, près d’un feu, parmi des verres toujours remplis du sang de la guerre de la paix. Qu’on décore à tour de bras des volontaires poitrinaires, le bouton bombé, ne nous importe peu.

Nouvel homme aux images, je te vois dans des passés obscurs, mettant ta vie en jeu dans une expression franche et massive de paysan, dans une assertion lapidaire d’intellectuel retranché. Te voici dans la clandestinité, contre un pouvoir inique, impopulaire, aidant des peuples opprimés, des juifs, des anarchistes, des artistes, des musulmans, des penseurs ; ouvrant ta maison à des réfugiés, car notre aujourd’hui est une endurance quotidienne à l’oppression du politique et de son administration aux ordres.

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
Arthur Rimbaud – Le bateau ivre

***

Chez lui, je l’ai observé. Il parlait au téléphone, assis dans un grand fauteuil, dans son salon atelier. Ses traits, que je n’avais plus vus depuis plus de dix ans, encore jeunes, marqués, derrière des yeux pénétrants, endurcis par des rigueurs. Dans sa demeure d’un autre âge, Nico est nu parce qu’il est seul dans sa tâche.

« Je n’ai pas peur de la pauvreté », m’a-t-il dit un jour dans une discussion. C’est une phrase sur laquelle je réfléchis souvent. Combien de gens, engoncés dans des réussites sécurisantes, voient dans l’artiste un fanfaron et dans l’art une occupation inconséquente ? Ah, la pauvreté et son spectre terrifiant, des face à face insoutenables pour des gens normés.

Comment leur expliquer que nico nu entretient sa faiblesse comme un jardinier ses roses. Jusqu’ici, elle ne l’a pas trahi ni desservi. La générosité de l’homme l’en a empêché. En 2012, à l’Imprimerie (encore un lieu disparu), rue Bretonneau dans le Vieux Tours, au terme d’une exposition de ses œuvres, il a préféré les prêter plutôt que de les rapporter dans son atelier et de les stocker. Elles vivent désormais chez les un.es et les autres. Que signifie un tel geste pour un peintre ? Quelle galerie réagirait de la sorte face au marché ?

Un idéaliste ? Je le vois plutôt comme le garant d’une lucidité. Il a le travail solide et bien trempé. Humaniste parfois survolté, j’aime ses airs lunatiques qui lui permettent de relativiser et de repartir vers l’humour.

Demain peut-être d’autres résistances seront nécessaires avec d’autres résistants. À nous, hommes et femmes de conviction et de foi, de les y préparer en souvenir de ceux qui ont laissé dans nos mémoires les élans vrais de l’héroïsme.

Voici pour l’art.

Et voici pour toi, Nico, ce que je pense de toi.

nico nu en son jardin

Merci à Yann Layma pour ses photographies

***

L’ARBRE

AVERTISSEMENT

Quatre temps marquent les pensées de trois personnages.

Le premier d’entre eux, un chercheur, gardien de l’arbre, retourne, bien des années plus tard et à l’hiver de sa vie, sur une même pensée et l’élève.

Après sa mort, Ariane, sa fille adoptive, reprend le fil de ses réflexions et celles-ci trouvent une issue dans un futur incarné par un scientifique voyageur du temps à la recherche de ses origines.

Il revient près de l’Arbre et d’Ariane pour découvrir un sentiment dont il ignorait tout, l’amour, mais aussi que l’immortalité a ses limites.

****

***

Voici le plan, je vous l’ai livré tout brut :

« Il est dans l’Histoire, il recherche l’antidote… »

La première partie est derrière nous
Quelques ficelles la composent
C’est dire sa fragilité
Ceci n’est qu’un avertissement
Un guide raisonné
Pour un essai de science-fiction
Donc rien de bien méchant
Sinon les scènes atroces
Il faut retenir le public
Le meurtre ne suffit plus
Le sexe est dévoyé
Restent les larmes et la misère
Succès assuré
Mais ce n’est pas la voie que je veux vous faire emprunter

L’amour
Oui bien sûr
Garçon ou fille 
C’est d’un enfant dont il est question
Revenons au récit
Le plan est mal foutu
C’est une chose entendue
Que cela reste entre nous
J’ai encore mis la charrue en première ligne
Recommençons

Il était une énième fois en l’an 54812
Cinquante quat…
Trop long
Et se souviendrait-on encore du Christ 
De la Chine ou des prophètes ?
Le sujet est celui du recommencement
Je n’aurai de cesse à le dire
À défaut on fait du sur place
Ou pire encore on ne recommence rien du tout
Ce n’est pas le sujet
D’habitude on détruit tout
Longuement
Plus longuement même que l’on ne reconstruit
À croire que seules la guerre et la violence n’aient de réel intérêt
Facile
Ombre, nuit, sale, menaçante, solitude, torpeur
La lune noire
On peut faire plus sombre encore
Corps mutilés
Êtres déportés
J’en passe
Pas plus cher

***

Mes personnages aimeraient vous emmener jusqu’à vous-mêmes
Ambitieux, n’est-ce pas ?
Ils veulent vous surprendre dans votre Vous caché
Rien ne dit qu’ils y parviennent
Un démon peut en cacher un autre
Et puis qui sait ?
Le jeu des influences…

Une seconde…
Nous sommes au début des années 2000
Le siècle a merveilleusement commencé
Nous n’en sommes pas encore au recommencement
Pour continuer le roman il faut détruire la terre et l’humanité
En soi, il devrait y en avoir pour des chapitres entiers
De quoi nourrir l’industrie cinématographique
Pour l’éternité
Et aussi pour ceux qui n’auraient pas compris pourquoi ils sont encore là
Et qui se repasseraient le film
Revoir la fin qui dure tout le temps
Jolie perspective…

On va dire que c’est ainsi
Que l’homme est allé trop loin
Que la femme l’accompagne
Mais que son bonhomme est vraiment trop « bête »
La femme est belle
Et je l’aime trop pour la charger de nos morts
Et à plus forte raison de la mienne
Douce créatrice
Belle créature
Jolie création…

***

Sur « Les ÉCLAIREUR.ES »

Oui, un projet littéraire, parce qu’aujourd’hui beaucoup de choses fonctionnent sur le mode du projet.  La recherche d’un boulot, l’écriture d’un scénario, un futur événement, une entreprise en gestation, une architecture d’avenir, j’en passe, tout est possible et vaguement probable, à tel point que les bureaux d’innovation sont remplis de projets inaccomplis.

Les écrivains ne s’en font même plus, ils envoient des « projets littéraires » aux éditeurs, en attendant que ceux-ci leur donnent un blanc-seing et l’à-valoir qui l’accompagne.

Alors, appelons ça comme ça, un projet littéraire…

J’aime bien quand le titre détermine le récit. Un mot me parvient, il roule dans ma tête pendant des semaines, des années parfois, il accroche tout sur son passage et finit par devenir une sorte de boule si compacte qu’elle ne demande qu’à exploser. Je ne sais plus, mais ça fait un bail que ce titre m’a sauté à la figure et s’est enraciné dans ma conscience. Il fallait bien un jour que je le sublime et en exploite le sens.

J’avais déjà tourné autour de cette manière d’aborder un roman, comme par exemple en utilisant des bribes d’ouvrages inachevés qui traînaient dans mes tiroirs. Là, c’est différent, j’ai commencé une approche par touches successives, presque sans but, abstraitement, et je progresse à l’aveuglette. Je peux ainsi développer des personnages, petit à petit, interroger leurs capacités, magnifier des liens entre eux et tenter de comprendre leurs conditions d’existence. S’il faut un contexte, je l’imagine réaliste dans une temporalité que je pressens peu éloignée de nous.

Le thème, s’il en est un, me parait hybride. Tous les genres peuvent s’inviter à la narration, comme je l’avais fait dans ÉLÉPHANTS. Dans ce dernier roman, la rencontre entre les caractères est rythmée de manière aléatoire puisqu’ils n’ont pas été conçus ensemble mais séparément. Ainsi, ils se répondent selon des contextes narratifs différents. Dans Les ÉCLAIREUR.ES, le processus est pour l’heure indéfini. Je n’ai qu’une très vague idée de ce que j’écris et, à vrai dire, c’est une méthode qui me convient très bien. Je ne suis pas un planificateur de romans, tout est à l’inspiration.

Vous m’avez compris, ce n’est donc pas un projet mais une réalité en cours, ou une promesse, si vous voulez.

Voici le début en quelques lignes encore modifiables. Si un autre commencement remplace plus tard celui-ci, ce n’est pas important. La curiosité favorise les changements, et ceux-ci nous permettent d’avancer.

Ensuite, chacun se fait sa propre idée du progrès.

Nous nous reverrons bientôt.

Bien à vous.

***

Les ÉCLAIREUR.ES

.

C’est à cet instant précis que c’est arrivé.

Ils se sont immobilisés sans en avoir pleinement conscience. Pour vous donner une image, disons que c’est un peu comme dans ces films d’anticipation, ou de magie, quand les personnages sont au ralenti alors qu’autour d’eux l’environnement accélère, ou l’inverse, sauf qu’une autre dimension appuierait la scène. La dimension du « comprendre ». À moins de bons comédiens, peu de cinéastes sauraient traduire cet « hors limite » où les cerveaux de ces personnages se sont éveillés en même temps.

Le corps n’est rien.

Ils restaient en cet endroit du globe sans y être.

L’événement s’est produit et ils se sont séparés avant même d’avoir pu se parler. Ils se sont reconnus sans se voir. Un moment s’est cristallisé sur leur existence et une photo mentale a été prise. On les voit apparaître de dos ou de trois-quarts. Cette image imparfaite continue de circuler comme une onde sur la mer. C’est ainsi que le mythe est né.

Des années s’écouleront, juste assez pour que chacun ait oublié ce phénomène mais pas assez pour qu’une évocation de ce bref éclair de leur vie ne les laissent à jamais indifférents.

Le destin va de nouveau les réunir. Cette fois-ci, ils comprendront pourquoi ils ont changé et la raison de leur première rencontre.

Photographies : Yann LAYMA

*

Candidat au CCC OD de TOURS

 

Luc Lejour : Michel, tu postules à la direction du CCC OD (Centre de Création Contemporaine Olivier-Debré) de Tours qui sera vacante dès cet automne 2019.

Michel Pommier : Oui, je vois sur ton sourire une pointe de surprise, mais tu sais, quand une amie m’a envoyé l’offre de Profil Culture ça m’a aussi amusé. C’était tellement imprévu comme information, et puis le Centre de Création Contemporaine Olivier-Debré n’est pas une petite structure, la diriger nécessite un bagage. Disons qu’après l’étonnement, ou l’amusement, j’ai commencé à y réfléchir d’un peu plus près, ce qui m’a permis, premier point très positif, de revoir mon parcours de vie.

L. L. : Tu as, je suppose, sacrifié au traditionnel CV.

M. P. : Et à la lettre de motivation. Ça m’a renvoyé pas mal d’impressions, parce que j’ai déjà eu affaire, comme beaucoup d’entre nous, au parcours du combattant de la recherche d’emploi, à la différence qu’aujourd’hui je ne suis pas dans une telle logique. Disons que cette offre est une opportunité pour proposer une direction différente de celle qui existe actuellement, et qui s’en va dans quelques semaines.

L. L. : Peux-tu nous dire comment tu vois les choses ?

M. P. : Si je m’en tiens aux documents mis en ligne par l’Association française de développement des centres d’art, le CCC OD a une mission de soutien à la création. Alors ça passe par l’expérimentation, évidemment, c’est un laboratoire pour des artistes émergents à découvrir et à épauler, et ça c’est très motivant de pouvoir suivre l’évolution d’une œuvre et de lui apporter son concours. C’est vraiment une mission d’intérêt général, vis-à-vis des personnes qui s’engagent dans la voie de l’art contemporain comme pour le spectateur.

Vue de l’intérieur de l’extérieur

L. L. : C’est en fait un lieu de spécialisation.

M. P. : Oui, et non. Oui parce qu’on peut réduire l’art contemporain à une certaine élite intellectuelle, formée à une discipline et à une médiation ciblée ; et non, parce qu’il y a des ponts avec d’autres pratiques. Tous les artistes sortant des écoles des Beaux-Arts ne suivent pas forcément un cursus dédié ; certains bifurquent vers d’autres instruments culturels et s’emparent de disciplines très diverses, comme l’agriculture, par exemple. Nous assistons à une redéfinition du rôle de l’artiste dans la société, et ça c’est assez enthousiasmant parce que ces perspectives me donnent envie d’explorer le champ de la présentation d’œuvres et d’ouvrir sur de nouveaux horizons, avec les artistes, bien sûr, mais également avec d’autres forces de proposition. Mais je serai discret pour le moment parce que les idées sont volatiles et parce que j’ai l’impression que les schémas les plus classiques tournent autour d’une grande solution sans l’atteindre.

Au dos de l’ancienne école des Beaux-Arts il y a un parvis extraordinaire pour des spectacles extraordinaires

L. L. : Une grande solution ? Tu penses qu’il y a un problème à résoudre ?

M. P. : Oui, en quelque sorte. Nous assistons depuis quelque temps à une désaffection du public pour l’art contemporain, voire des artistes eux-mêmes. À Tours c’est très notable, il suffit d’interroger les Tourangeaux, aussi bien dans le milieu culturel que dans la rue pour se rendre compte à quel point la rupture entre notre centre d’art et son public est consommée, si tant est qu’une rencontre s’est établie.

L. L. : As-tu une idée des raisons de cette rupture ?

M. P. : Bien sûr, je crois que le modèle est dans sa phase d’obsolescence. Certes, il a apporté beaucoup, on doit également reconnaître le travail accompli par ceux qui ont réussi à amener ce magnifique outil culturel qu’est ce centre d’art jusqu’ici, mais ce modèle doit muter pour rattraper le présent et aborder le futur. Une prise de conscience est donc nécessaire, en actes.

Un bâtiment peut en cacher un autre

L. L. : Qu’est-ce que tu proposes ?

M. P. : La première chose réside en la volonté de générer une dynamique territoriale qui tarde à prendre forme. Encore une fois, il y a des attentes, il faut donc les satisfaire et non les ignorer. Mais tu vois, Luc, il y a tout de même un problème de taille. Une telle candidature est forcément surveillée de très près par un certain nombre d’instances parce que le poste représente un pouvoir culturel. Je te dis ça quand pour ma part le pouvoir ne m’intéresse guère. Je suis pour un mouvement pluriel et collectif. Je pense avoir maintenant assez d’expérience pour diriger administrativement un tel lieu et le définir dans ce que j’appellerais « un chemin de sens » avec les forces en présence, et pour commencer avec l’équipe du CCC OD, mais aussi grâce à des intervenants extérieurs capables de donner à la structure le mouvement qui lui fait défaut aujourd’hui.

L. L. : Tu voudrais donc ouvrir la programmation et ne pas être l’unique directeur artistique.

M. P. : Tu te rapproches mais ce n’est pas tout à fait ça. Les cartes blanches existent déjà, et des artistes eux-mêmes peuvent devenir curators, ce n’est pas nouveau mais c’est assez rare. Ça donne cependant de très bonnes expositions et je reproduirai ce schéma. Non, il s’agit d’autre chose. Je pense pouvoir interroger la distance qui sépare les œuvres des artistes du public et formuler une expérience inédite.

Un coin de paradis

L. L. : C’est ce que tu me disais avant cet entretien au sujet du PAC (Projet artistique et culturel).

M. P. : C’est en effet un des fondamentaux de la candidature, toutefois il m’est assez difficile de l’exposer ici, d’abord parce que je suis dans une phase d’élaboration, d’autre part parce que les idées sont très recherchées et qu’en la matière j’en ai déjà laissé pas mal s’échapper qui profitent à d’autres, tant mieux pour eux. Par ailleurs, tu sais que je soutiens depuis le début le Bateau Ivre ; les expériences auxquelles je pense peuvent ô combien s’inscrire dans son programme. La seule différence c’est que le Centre de Création Contemporaine, reconnaissons-le, est la structure la mieux adaptée en ce moment à Tours pour produire certains types d’expériences formelles, ou plastiques, qui n’ont pas encore été tentées. Ni à Tours, ni nulle part, d’ailleurs.

J’ai toujours aimé les maquettes

L. L. : Tu peux nous éclairer au sujet de ces expériences ou est-ce un secret ?

M. P. : Je m’en suis déjà ouvert avec quelques artistes qui comprennent le processus. Pour la plupart, j’ai déjà leur soutien et quelle que soit l’issue de cette candidature, c’est très motivant. Par leurs qualités de créateurs, ils sont les premiers à saisir l’opportunité d’une nouvelle pratique en matière d’exposition, et puis leur curiosité est sans limites. Si je passe l’examen ils ne pourront que s’en réjouir, et les spectateurs aussi, mais je ne te dirai pas exactement pourquoi. Je garde mes meilleurs atouts pour l’oral, si tant est que j’accède à cette étape de la sélection, parce qu’il me faudra bien abattre quelques cartes. Pour t’éclairer, je suis surtout dans une logique de permissivité. Au-delà, administrer le CCC OD ne me fait pas peur, j’ai maintenant assez d’expérience dans beaucoup de domaines pour envisager sereinement la reprise de sa direction.

Promenade estivale

L. L. : Tu parlais de territoire…

M. P. : C’est une autre donnée essentielle, et elle dépasse le cadre de l’art contemporain parce que la dimension sociétale prend en compte des paramètres aussi bien sociaux que politiques, voire écologiques. Mais tu vois, à mesure que j’y pense, c’est la neutralité qui m’intéresse dans le cadre de cette direction. Mes nombreuses militances ne peuvent réellement s’inscrire dans le pilotage du CCC OD. Je les garde pour ce que je suis, c’est-à-dire un citoyen, et il ne faut pas s’interdire de penser et de s’exprimer. C’est encore possible en France et de toutes les manières aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de de ses opinions politiques. Je ne m’inquiète pas pour ça, ni pour mon âge d’ailleurs puisque j’ai le même qu’Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne. Ceci dit, à l’intérieur d’un cadre institutionnel, à défaut de faire des compromissions, je ferais les concessions nécessaires afin d’ouvrir le débat artistique à toutes les tendances. Sinon, pour revenir au territoire, là encore l’ouverture est vitale pour l’avenir du Centre Debré. Si les artistes sont créateurs, ils emploient aussi des matériaux et des techniques. Si on imagine des réalisations importantes, et donc intéressantes pour l’économie locale, il n’est pas vain d’espérer qu’une nouvelle main d’œuvre voie le jour. J’ai en effet une idée pour la cité. Je pense que les décideurs locaux attendent un nouveau développement pour les années à venir. L’art est à mon sens une composante qu’il ne faut pas négliger, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Pour faire taire une idée reçue, je dirais que l’utilité de l’art est certaine.

Au jardin François 1°

L. L. : Ce discours va-t-il dans le sens de l’institution actuelle ?

M. P. : Ça dépend de ce que tu entends par « institution ». Si tu en appelles à l’intérêt général, alors oui, mon « projet » va dans ce sens. Si tu penses à un réseau fonctionnarisé, alors je devrais le convaincre parce qu’il agit en circuit fermé. C’est vrai que le marché, les jeux de pouvoir et la politique sont très présents dans ce milieu, ce n’est un secret pour personne. Les artistes et les curators eux-mêmes s’emparent de plus en plus de ce sujet, dans lequel l’élitisme est critiqué. Le curseur commence à bouger, c’est le moment de pousser un peu l’air du temps vers le bon côté. Ceci étant, je reste un citoyen et un contribuable comme les autres. J’ai confiance dans les valeurs de la démocratie et c’est en ce sens que je postule au CCC OD.

L. L. : Tu dis cela parce que tu penses avoir des chances d’être retenu à la fonction de directeur ?

M. P. : C’est bien difficile à dire et à prévoir, mais j’aime assez le défi. Ce « chemin de sens » artistique est pour moi un enjeu cohérent qui dépasse la fonction. Et puis l’art porte en lui une dimension ludique, le public attend aussi des événements étonnants ou joyeux, ce n’est pas antinomique. Enfin, pour répondre plus précisément à ta question, si j’en crois les inévitables rumeurs, mes chances sont très faibles, pour ne pas dire nulles.

Monsieur Olivier Debré était un monsieur souriant. Parmi les porteurs, Yanek Chomicki, au milieu de l’image et avec sa manche droite relevée sur l’avant-bras, un bon camarade de cette époque, nous sommes en 1991. Photo perso prise pendant le visionnage d’un documentaire sur le peintre tourangeau.

L. L. : Si les jeux sont faits, quel intérêt pour toi de te présenter ?

M. P. : J’ignore si les jeux sont faits mais c’est probable. Disons que c’est une question d’égalité des chances. N’oublie pas que j’ai été, par le passé, et quasiment dès son ouverture, ouvrier au CCC de la rue Racine, avant d’être en charge de sa régie technique. J’aime bien penser qu’un ouvrier dispose des mêmes chances qu’un membre influent d’un réseau, en l’occurrence culturel. Ne pas être retenu m’importe peu ; face à un adversaire loyal la défaite est honorable. Ce sont le chemin et les rencontres qui comptent, et l’espoir du changement. Nous sommes dans un pays qui a une grande devise, l’Égalité, et c’est primordial lorsqu’il s’agit des chances de chacun. Bien sûr, il y a forcément de la concurrence, certainement venant aussi de la part de gens de talent, ça je n’en doute pas, mais certain.es candidat.es pourraient avoir une longueur d’avance sur le processus de sélection, c’est humain. Les sociétés se construisent souvent sur des réseaux, il n’y a qu’à observer en politique. Cependant, j’ai autant qu’un autre les qualités pour diriger le CCC OD. J’ai donc le droit à la même écoute que le plus influent de mes concurrents. J’irais même jusqu’à lui dire, dans un esprit de compétition sain, et Dieu sait si je n’aime pas faire la course : « Vas-y, fais-voir ton projet que les gens comparent et en discutent ».

Clin d’œil à Pier Barclay – Montage photo par Dominique SPIESSERT

L. L. : Te poserais-tu en franc-tireur ?

M. P. : Pas du tout. Je suis conscient de la charge à venir si je l’atteignais. Cependant, face aux épreuves, il faut faire preuve de confiance en soi. Quand on prend le départ d’un marathon, il faut entraîner le corps et préparer l’esprit à fournir un immense effort. Je crois qu’un modèle économique ambitieux peut être mis en place à partir du CCC OD avec des répercussions importantes pour le territoire, donc pour et avec les hommes et les femmes qui l’habitent. L’époque n’est plus aux demi-mesures, il y a des échéances importantes au niveau local comme au niveau mondial. Je veux bien qu’on dise que je suis un « outsider », surtout pas un franc-tireur, ce serait faire l’impasse sur mon sens des responsabilités. Tu vois, je pense que le débat autour de la prochaine direction du Centre doit dépasser le cadre fermé de son institution pour aborder l’avis du plus grand nombre. Mes concurrents sont libres ou non de se dévoiler, c’est leur affaire, en tous les cas j’ai décidé d’avancer à visage découvert. Si le public n’est pas en mesure de décider ni de voter pour la prochaine direction du CCC OD, puisqu’elle est du ressort d’une association légitime, il a le droit de participer au débat et se faire une opinion sur ce qui lui est proposé.

L. L. : Quel sera ton geste d’ouverture ?

M. P. : Ta question contient la réponse. J’imagine une expérience ouverte à tous les artistes de la région. Tous ceux qui voudront venir s’essayer sous les cimaises du Centre Olivier-Debré seront les bienvenus. Artistes confirmés ou non, connus ou méconnus, issus d’écoles ou autodidactes, performeurs ou « installationnistes », peintres ou graveurs, vidéastes, curators ou historiens, journalistes ou blogueurs, écrivains et philosophes, comédiens ou musiciens, il y a assez de place pour tous, et même pour des invités d’autres régions ou pays. Le mode d’accrochage sera aléatoire et le public sera convié tous les jours à participer, à donner son avis, voire même à se mêler de ce qui ne le regarde en général pas. Je veux que ce soit un joyeux bazar, convivial autant que sérieux, et que du matin au soir tard une vive émulation s’empare du lieu. Une sorte de confrontation ludique où nous verrons la création régionale à l’œuvre, et là, tu verras, l’émergence si chère au Ministère de la Culture verra le jour. Même les marchands et les collectionneurs viendront, nous les attendrons, ainsi que les entreprises et les mécènes. Évidemment, durant cet événement qui pourra se dérouler sur plusieurs semaines, voire des mois, les portes seront ouvertes et l’entrée gratuite afin qu’il se passe quelque chose et que les répercussions dépassent le simple cadre de la ville. En attendant les hôtels, chacun pourra venir planter sa tente dans le Jardin François 1°, et s’il est trop petit, on trouvera les terrains pour accueillir tout le monde. Tu vois, il y a en France des expériences très intéressantes, je pense à Montpellier où le camarade Nicolas se donne du mal. Il faut donc aller beaucoup plus loin et j’ai le recul nécessaire pour inventer de nouvelles formes d’expositions. Si je te mets l’eau à la bouche, je ne t’en dirais pas plus parce que je suis aussi un concepteur et que je dois garder le meilleur pour le début. Et pour rassurer les financeurs, je saurai leur expliquer que l’expérience sera au-delà du « rentable », même si je déteste ce mot. À un moment ou à un autre je sais bien qu’il faudra bien parler d’argent et je n’ai aucun tabou sur ce sujet. D’ailleurs, ma gestion sera transparente. Je n’oublie pas l’effort financier qu’ont déjà fait les Tourangeaux pour le CCC OD. Je veux leur rendre au centuple ce qu’ils ont consenti. N’oublions pas que ce lieu leur appartient. Mon projet, tu l’as compris, est autant dédié aux artistes qu’au public. Quoiqu’il en soit, la compétition est ouverte. Que le meilleur projet gagne.

 

Les enfants adorent aller au CCC OD

***

INDÉCISE

L’ÉCLAT

Je suis un être délabré
Ma bouche a oublié ton goût sucré
Dans ta demeure d’avant les murs ont perlé
D’une soif au regard décharné

Derrière la porte de l’escalier
J’ai humé ton parfum d’antan
Je t’ai imaginé dans ta robe de jeune fille
Et défait tes boutons nacrés
 
Ce n’était qu’une pensée diffuse
Une envie de te renaître
Et comme le spectre de nos amours
J’ai entendu glisser ta robe
 

Cette chair si tendre
Passée au tamis de l’attente
Plaquée au mur de mon désir
S’est fanée sur la table de nos ébats
 
Le café s’est noyé dans l’eau de rose
Un bas a filé
Mais des fleurs d’hiver couvrent tes reins
Et mon cœur repose sur ton sein
 
J’ai parcouru ces pièces vides
Flirtant devant des vitres mouillées
Et baignées de natures mortes
Comme des odalisques lascives
 
Reste indécise et nue de moi
Souffle ces bougies antiques
Et bois dans des coupes de cristal
Le miel amer de mes vingt ans
 
Ouvre les battants, mon indécise
Et ravive les ruines de ma passion
Prise dans les rets de ta nature
Allongée sur le carrelage de la salle de bain
 
Dans le salon la chaise est dressée comme un gibet
Sur lequel tu puniras mon habit
Mes bottes et mon épée
Pour un lacet défait
 
Je ne cesse de contempler ton visage
Revenu cette nuit me hanter
D’un sourire abîmé de temps
De noces et d’éternité
 
Reste assise dans ton coin
Ta chemise s’est échancrée
Sur ton cou insaisissable
Où se perdent mes baisers
 
Mes mains vacillent au vent de toi
Et agrippent une illusion qui ricane
Derrière les grilles de ton jardin
Où de noires couleurs résistent
 
Laisse-moi, je t’en supplie
Contempler cette nudité
Qu’une porte entrebâillée
Se plait à refléter
 
Ne sois pas si indécise, ô ma muse
Et cède de toute ton âme
A cet être délabré
Qui revient pour mourir près de toi


CHRYSALIDE

***

Ce texte est inspiré des photographies de la série « Rue Bel-Ébat » de Tiphaine Populu de La Forge, exposées du 8 au 30 mars 2019 à la galerie La Boîte Noire, 57 rue du Grand Marché à TOURS, dans le cadre de l’exposition « natures in.dociles », avec l’artiste plasticienne Malou Ancelin.

Avec mes chaleureux remerciements à Tiphaine pour son autorisation de publier ses photographies.

***

 

3001 L’ODYSSÉE DE LA TERRE

Photo par Dainis Lejins – http://www.trekearth.com/members/dainjaaks/

L’AUTOROUTE

Une ville longue de ville en ville
Une bande de macadam déshéritée
Des fermes et des villas à perte de vue
Sans portails
Sans clôture
Des cabanes et des tentes
Un trafic lent, qui circule de bras en bras
Au son des sabots
Un paysan habite là
Au milieu du paysage
Des guérites d’épiciers
Et des auberges alignées
Un objet est transmis
Il passe de main en main
Il avance
Un chargement
Il est charrié
De porte en porte
Des voyageurs vont et viennent
De chambres d’hôtes vers d’autres
Tout arrive
Le matin et le vent
La lumière et l’été
C’était bien, avant
Ça s’appelait une autoroute
Je l’ai empruntée
Enfant
Je passais sous des ponts
En voiture
Sous des passerelles vides
Aussi lisses que l’océan
Ici, là-bas et plus loin encore
Les arbres étaient les mêmes
Les champs identiques
Et le tourisme esclavagiste
Tous allaient au même endroit
Et ne savaient
Ni où ils étaient
Ni d’où ils partaient
Un satellite les guidait
Alors que le temps nous emporte
 
Regarde
La ligne n’est plus droite
Elle serpente
Penche et remonte
Entre des cabanons
Des palais et des entrepôts
Des gosses, comme toi
Jouent sur la route
C’est une rue patiente
Pleine de choses extraordinaires
Venues de loin, de près
Comme les gens qui passent
Jeunes et vieux
Voici le facteur
Lui et sa bicyclette
Ses roues sont réparées
Il sonne à chaque foyer
 
L’asphalte a rendu l’âme
À coups de pioches
À droite autant qu’à gauche
La terre à l’infinie
Ressource et joie
Des champs et des jardins
Contre toute invasion
Le progrès ralenti
La vie réinventée
La nature est restituée
Il a fallu trancher
Dans le talus
Ouvrir la barrière
Et couper sur quatre voies
Ici
Et là-bas
Entre les deux, tout s’est arrêté
Le camion, la citerne
Le convoi et l’automobile
Le péage s’est ruiné en excuses
Une femme a tendu une corde
Son linge en étendard
Son chant est monté
Jusqu’à la bande d’arrêt d’urgence
Clamant la liberté
 
On voit encore marcher
Au rythme du métal
Et d’un pas de géant
Des colonnes autrefois électriques
Qui ventilent leurs hélices
Et font un bruit sourd et placide
Pour nous éclairer
Au loin des forêts reviennent
Elles chantent avec la biche
L’épervier et le chat du voisin
Et suivent le cours des eaux
Où baigne l’aube des moulins
C’est l’heure du déjeuner
La tomate du jardin
Cet été fera l’affaire
En hiver le kaki s’ensoleillera
Et la vache s’endormira
Elle a donné sans compter
L’amie des plaines et des herbages
Le forgeron la prie
Le cheval l’accompagne
Ils ont cessé de croire
Qu’un dieu les dompterait
Non !
Le Ciel est avec eux

Vois
La bande noire est tailladée
Les lignes blanches ont disparu
Au profit des marelles
Il suffit du sud ou du nord
D’une étoile et de rencontres
La marche ou la course
Le jour au labeur
La nuit se tait
La route s’endort
Les foyers fument
Boivent et mangent
On crie, on rit, on danse
À l’air du temps
À l’atmosphère
Oublieux de ce qu’était l’autoroute
Une bande de macadam bruyante
Polluée, dévastatrice
 
Tu les entends
Tes camarades égaillent la voie
Filles et garçons
Dans une poussière d’or
Ça n’existait plus, ces joies simples
Seulement pour quelques un.es
Caché.es de peur
Sur des îles
Dans des trous
Loin, loin des êtres normaux
Des gens comme toi et moi
Sacrifiés et vendus 
Et puis nous sommes intervenus
Avec notre seul courage
On a coupé l’autoroute
C’est rien, vois-tu
Récupérer ses droits
Reprendre goût à la terre
Au blé des faucheurs
Au pain du meunier
Il suffit de quelques planches
Elles repousseront
Du verre et du fer
Des autos par millions
Laissées et délaissées
Et l’ami forgeron
Et l’ami menuisier
Bling-Blang
Du travail tout au long
Un toit sur mille kilomètres
Une poignée de main qui n’en finit pas
Des femmes cheveux au vent
Des hommes en liesses
Et nos enfants jouent à apprendre
À l’école de la vie

***

HEROES

C’était en 1974, je crois, j’avais 14 ans et j’allais à l’école dans un collège de Birmingham. Filles et garçons, sur le revers de leurs blazers bleu marine, arboraient tous fièrement le badge d’Aladdin Sane, sur lequel le visage de Bowie est strié d’un éclair orange et bleu. Désormais pour moi, la musique avait un sens, un son et une émotion.

En 79, trois ans après David, j’étais à Berlin. En écoutant Heroes, j’ai l’impression que nous avons ressenti tous les deux quelque chose de similaire, comme un sentiment d’une intense liberté, exacerbée face à la menace omniprésente du mur et de ce que sa présence signifiait.

Sa mort encore récente m’a réellement affecté. Il était un compagnon de route lointain et proche à la fois, comme le sont tous les artistes que nous admirons et que nous ne rencontrons jamais.

En souvenir de cette rencontre qui n’a pas eu lieu, moi qui suis sans voix, j’ai voulu interpréter avec mes mots un de ses plus grands succès :

***

HEROES


Moi, je serai roi
Et toi, reine
 
Qu’ils nous assiègent !
Et pour une fois nous les battrons
Nous pouvons être des héros
Juste une journée
 
Toi, si dépourvue
Et moi, ivre du soir au matin
Nous sommes amants
Oui, des amants que tout sépare
Nous pourrions en profiter, juste une fois
Nous serions à jamais des héros
Tu veux ?
 
Moi, je voudrais te voir nager
Comme les dauphins… ils savent si bien nager
Rien, rien ne nous retient
Luttons, jusqu’à l’éternité
Oui, nous serons les héros du jour
 
Moi je serai Roi
Et toi ma Reine
Si rien ne peut les arrêter
Soyons des héros, en ce jour
Tous les deux, rien qu’une fois
 
Moi, je m’en souviens
 
Nous étions si près du mur
Les armes crépitaient au-dessus de nos têtes
Et nous nous embrassions
Comme si de rien n’était
Honte à eux
 
Et nous, en paix, encore et encore
Tels des Héros, pour toujours
Oui des héros
Pour une unique et belle journée
 
We can be Heroes
We can be Heroes
We can be Heroes
Just for one day
We can be Heroes
 
Nous ne sommes rien, et nous avons si peu
La mort va nous coucher
Tu ferais mieux de fuir
Mais nous serons si bien
Une journée entière
 
Ohohohoh
Yes
We could be Heroes
Just for one day

***

Live in Berlin, 2002.

***

Crédit photographique : en haut et à gauche deux photos de Bowie à Berlin, l’une en 76 l’autre en 87, par Denis O’Regan (www.denis.co.uk). En haut à droite : Brian Eno et Robert Fripp travaillant sur Heroes avec Bowie en 1976 (photographe ?), et en bas à droite : Bowie photographié par Masayoshi Sukita, comme sur la couverture du single « Life on Mars » sorti en 1973.

***