10 mars 2017
Éloge de l’hiver
Ils m’emmerdent avec leur printemps
Ces Poètes asservis
A jour fixe
Une fois l’an
Je préfère mon hiver
Combattre l’injustice
À grands coups d’artifices
Et par tous les temps
Dénoncer la guerre
Dans la terre
Des fleurs éclosent sous mes pas
Dans la boue
La boue drainée par les sabots
Des chevaux tirent des canons
En route vers le chaos
Odeurs, parfums, relents
Dans la bouche des hommes
Sur les balcons des femmes
Dans le chant des enfants
Un pétale se détache
Il fuit l’horreur du déshonneur
Loin du conflit
Au seuil de sa porte
Sa femme l’attendait
Ses sœurs portaient l’eau du puits
Il a bu à l’ivresse du bonheur
Dans les cités du ciel
Au dix-huitième étage
La foi s’assombrit sur les terrasses
Le soleil a tourné
Il vacille vers les prairies en feu
Dans les rues de l’enfance
L’horloge accélère
L’homme grimpe au sommet de son cri
Qui l’entend celui qui veille
Une armée désuète revient
Il ne peut rien faire
Il crie, hurle et s’époumone
Dans l’allée des tilleuls frémit le printemps
Le vent se faufile
Il porte le son du lointain
Des nouvelles
Des promesses
Le bruit de l’errance cogne la terre
La traque s’est invitée
Des familles sont le gibier
Le spectacle protège les limiers
Ils sont au fond de leurs écrans
Étincelants dans leurs canapés enfiévrés
Des corps sont allongés
Nus
À la queue leu-leu
Nus
Recroquevillés
Nus
En chien de fusil
Ils dorment à la chaîne
Ou baisent
Ou baisent
Une barrière s’élève
Des passants s’arrêtent
Un mirador braque son œil noir
D’une arme grise une lueur scintille
J’entends des pleurs d’un côté
Des rires de l’autre
Leurs sexes sont dressés
Juvéniles passions
Qui les arrêtera
Les câbles de la loi
Les liens de la haine
Les barbelés égratigneurs
Des trophées s’amoncellent dans les campagnes
Des sacs à dos
Des chaussures
Des couvertures
Des matelas trempés
Des plaques de tôles
Du bois pourri
Du verre cassé
Des canettes de bière
Des portraits qui verdissent
Les bancs d’une école désaffectée
Ils versent des larmes épuisées
L’ardoise au mur est rayée
La craie est mouillée
Le froid éparpille les mémoires
Des livres effeuillent un savoir en berne
Des pas traînent dehors
Des colonnes humaines passent
Autour d’une table un groupe
Des mots devant eux
Des sentences
Des noms
Des visas inactifs
Des papiers faux et vrais
Une arme de poing
Du café dans des tasses ébréchées
Parfois l’espoir au milieu du néant
Envole-toi l’androgyne
Tes ailes noires fondent l’azur
Des âmes métalliques sont braquées sur toi
Feu sur ta majesté
Elles préféreraient te voir blotti.e
Dans l’eau rougie
De la baignoire de ta salle de bain
Une peluche jonche la lande
Elle sourit au destin qui l’a menée jusqu’ici
Ses grandes oreilles de lapin écoutent
L’une est dans la gadoue
L’autre on ne sait où
L’œil crevé
Le corps éventré
Un châssis de métal a roulé dessus
Sonne, sonne le glas de l’enfance
Dans le halo de la torche
Une grappe de jeunes gens
Ils n’ont plus de couleur
Ils s’accrochent au grillage
Comme pour monter dessus
Pour passer au-delà
Une main les a vus
Elle donne l’alerte
Toutes les frontières s’ouvriront
De force
La mitraille officiera
Des gisants de chair et de sang
Au fond de vallées tristes
Combleront l’espoir vain
Sur le fauteuil de la honte
La boîte de pop-corn
La bouteille de coca
Et les images de la réalité
En boucles exaspérées
Sur le radeau de la fortune
La photo des aïeux
La terre des adieux
Et le souvenir des pourquoi
Dans les avenues en liesse
La jeunesse
Rien qu’elle
A fumer, à boire, à se raconter des histoires
Un morceau de zinc ou de terrasse
Elle fume, cette belle jeunesse
Les garçons draguent
Ils ont le cœur dans le ventre
La foi dans leur désir
Les filles choisissent
Elles ont des lèvres au goût de coquelicot
Leurs mèchent blondes parfument l’été
L’amour n’est pas loin
L’amour n’est pas loin
Le mur est tombé ce matin
Dans un grand bruit
Il y a eu de la poussière
J’ai entendu tousser
Les photos aussi sont tombées
Il y avait celle de mon père
Debout près de sa nouvelle voiture
Dont il était si fier
Et celle de ma mère
Souriant à la campagne
J’entends des larmes d’effroi
C’est ma petite sœur qui geint sous les décombres
L’eau abonde
Bienfait de la nature
Je la bois goulûment
Par bolées
Purification ethnique
Je sombre dans la Méditerranée
A l’accueil du bureau
A la vue du barreau
Les sourires émaciés
Tout ça n’est que du travail
De la peine à l’outrance
Les préposés sont fatigués
Ils manquent de papier
Se plaignent de leurs conditions de vie
Et nous on crève devant les affiches de ciné
J’en voulais du chaos
J’ai cogné sur le camion de pompier
J’ai lancé des pierres sur des hordes de types en noir
Les gardiens de la paix des riches
Ils ne gardent pas la paix des pauvres
A la prochaine guerre ils les enverront à la baston
Et puis j’en ai pris plein la gueule
Est-ce que j’ai mérité ça
J’avais plus de piaule
J’avais plus rien à bouffer
J’ai pas volé
J’ai cogné
Je fais la révolution
Je mourrai libre
Dans le brasier de nos cœurs
Enlacés
Dans la moiteur de nos baisers
Empêtrés de sueur
Sur la pierre brûlante de la fontaine
Emmêlés de nos jambes
De nos doigts
Sur le lit de l’eau claire
Un drap blanc flotte au vent
La lingère est partie
Elle a délaissé son ouvrage
Son corsage sur un fil
Des serviettes sèchent au soleil
La lingère est partie
Les draps de ses noces
La chemise à carreaux de son mari
Les tâches ne s’en vont pas
Les marques du sang partisan
La bouche à feu a sévit
Le rouge à lèvres a trahi
Les bottes ont retenti dans l’escalier
La tour de béton a tremblé
Ils étaient vingt-trente à monter
Dans les ascenseurs
A pousser les étages les uns contre les autres
A dégager des corridors
A dégonder des portes
C’est l’air du pied de biche
La mélodie fracassante du métal et du bois
Dans la cuisine la nappe est cirée
Sur la table le vin de l’ouvrier
Quatre étoiles au ciel de l’ivresse
Trois sous de vendange
Et la paye du dimanche
Le congé à rendre un jour
Avec les intérêts
Le canon à bout de bras
Celui des grands jours
Le rouge qui tâche
J’en ai marre de vos concerts
La musique de vos violons tristes
Symphonies élitistes
Où l’on paye à l’entrée
Voyez cette ultime date
Où nous pourrions jouer
sans être convoqués
Mais le matin et le soir
Jusqu’à la nuit
Jusqu’à l’aurore
Sans votre permission
Sans mettre la main à la poche
Pour vous rendre cette rançon
Que vous nous détroussez
Ton renouveau est trop bruyant
L’ami
Ses éclosions sont un supplice
Arrête-ça
Retiens ces marques de la vie
Contiens le rire joyeux de ton fils
Éteins l’avenir de ta fille
Laisse ton envie
Oublie tes vœux
Notre État y pourvoira
Ses agents s’occuperont de toi
Et de ta famille
Dis-le à ta femme
Préviens ta maîtresse
Qu’elles sont aussi les nôtres
Voilà qui est bien
Tout doux l’ami
Pose ta colère
Troque tes joies tes espérances
Ta liberté
Contre un outil
Ou un séjour en prison
Moi j’ai un abri
Une cabane dans mon jardin
Sans nouvelles
Avec le chant de l’oiseau rose de l’aurore
La caresse d’une femme
Et l’oubli de l’ailleurs
Où ne règne que le mensonge
La peur est mon arme morose
Je m’en sers pour combattre
Le sarcasme des puissants
L’argent de la révolte
Est à l’or des serments
Nous irons bientôt fêter
Le mariage des géants
Dans le brouhaha des vignes
Et le son musical
Des exécutions sommaires
Les encres noircissent les jours
Il n’y a que de la crainte et du sacrifice
Les pages de mon journal
S’éclairent de traits amoureux
Où nul n’intervient
Ce sont les affres de la liberté
Je les choie de coton
Afin que nul ne les entende
Mais les lise à la lueur des lampions
Les pensées s’ensevelissent
Tas de rêves enfouis
La terre les recouvre
De son lourd manteau terne
Sous les cerisiers mauves
Des chevelures s’égayent
Vaste brassées d’air et de joie
Dans des robes volantes
Aux transparences charnues
Des lèvres s’activent
Elles ont oublié les interdits
L’harmonie les conduit
Aux arches de l’amour
Des troupeaux paissent dans la clairière
Ils ne voient pas les marchés
Des hordes courent dans la plaine
Elles ne craignent pas le carnage
Une tête maquillée dépasse
Auréolé de bouquets fuchsias
Un crâne désolé se recueille
Il voudrait vivre
Son corps s’enfouraillait d’acier
Ses yeux brillaient de menaces
Ses dents s’allumaient du meurtre
Du rouge marque son front
Ce n’est pas du sang
Ce n’est pas du sang
C’est le souvenir de l’aimée
Fondu dans la cire
Les mains se serrent
Femmes bonheur
Hommes joie
Enfant feu
Fours en marche
Folie lâcher-bride
Camps de vie rues bondées
Cages ouvertes sur les ténèbres
Le fleuve au milieu
Qui pleure en pluies
Les mains se serrent
Et se desserrent
Au fond du café des portables
Les couleurs du voyage en fond d’écran
Attendent et attendent le feu vert
Les familles qui appellent
Les frères qui répondent
Le forfait est épuisé
La carte est déjà vide
Le café est suspendu
Au bon vouloir de l’administration
Intérieur de poupée
Cellule de papier
Des frou-frou dans la mitraille
Sourire inanimé
Rire ensanglanté
Un bas autour du cou
Dans la chambre aux senteurs
Un saut dans la vie
Pour toujours
Les bras illuminés
Le sol se rapproche
De la fumée
De la fumée
Ils campent la résistance
Leurs poêles souffrent du manque de bois
L’assiette est creuse
Mais autour de leur fidélité
Les tablées sont riches
La liberté est leur plat principal
Et l’entremets est plus joyeux que sous des lustres fanés
Des villes s’écroulent
Des regards s’élèvent
Mains à la recherche de mains
Yeux à la recherche d’yeux
Crimes de paix
Violences pacifiques
Parlement aphone
Apologie du chaos
Terreur propagandiste
Chantage à l’emploi
Soldats délateurs
Milices corrompues
Députés richissimes
Démocrates élitistes
Présidents des sans-dents
Misère des hommes en place
Qui ne savent plus
Que prendre et se servir
Et rire à la télévision
L’ère de l’art est passée
Pub, mode et leadership
C’est le nouveau créneau
De la grande distribution
Fini les tableautins rêveurs
Place aux discours trompeurs
Vous n’y connaissez rien
Rien de rien
La cour est pleine de vivres
Datées d’hier et d’avant-hier
Personne n’en veut plus
La société les jette
La société gavée
Un cercle autour se sert
C’est le repas du soir
Mon frère
C’est le salut du jour
Ma sœur
Sur les hauteurs du bâtiment
La soupe de ce soir
Les mains dans le ciment
Des baskets non coquées
Des pieds qui enflent
La pluie polluée
Dans la circulation
Le sans papier est là
Sans ses papiers
Sans assurance
La direction du travail
Acceptent les conditions
Ça jouit à l’économie
Le promoteur fournit le sable
La brouette
Mais pas les gants
Ni les allocations
La fin est joyeuse
Les maux sont révolus
Tout est gratuité
Bonheur et bienveillance
Rien à voir avec l’État
Lui, il tue
Il affame et appauvrit
Il ment et parjure
Il vole, pille et rançonne
Il impose, se sert et ne rend rien
Il encule même dans les rues
Les pauvres enfants noirs
À coups de bâtons blancs
Et de policiers marrons
Allez
Poètes officiels
Putains à faux cils
Attendez votre gloire
Usurpateurs
Debout dans des salons
Tendez la main
Faites le guet aux élus
Assis sur votre cul
jusqu’au septième ciel
Je vous vois
Hommes troncs
En marche aux festivals
Une allure de soldat
Et de premier de la classe
Voilà ce que vous êtes
Maudits poètes
Je marche dans le pré fleuri
La boue a durci
Les chevaux sont passés
Les canons se sont tus
Une odeur d’herbe grasse est dans l’air
Il y a des hommes aux champs
Et des femmes qui répondent à leurs saluts
Leurs enfants courent dans les blés
Le vent de l’été chante
Ils n’ont plus peur
Ils n’ont plus peur
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