VOIR LE REEL

On dirait de la neige
Il en met dans sa poche
Des deux mains 
Elles raclent le sol blanc
Ils ont tous marché dessus
À sa recherche
La terre est de couleur ocre
Elle se mélange à la neige
Ils sont plusieurs à la recueillir
Dans des sacs en plastique
Mélange de sable
De poussière blanche
Blanchâtre
Ils sont en sandales
En pantalons à rayures 
L’air inquiet
À ramasser le peu de farine
Qui traîne par terre
Pour manger
Elle porte un pyjama
Rose et blanc
Un ruban dans ses cheveux blondinets
Sa mimine étendue sur le sol
Les doigts vides
Elle dort à côté d’un garçon
En survêtement bleu et jaune
Les dalles de l’hôpital
Leur servent de matelas
On a dû les mener
À la lueur de néons froids
À travers des couloirs
Ces petits si légers
Dans les bras
On les a recouverts
En attendant les autres
Et puis on les a mis 
Dans des sacs en plastique
Un père s’éloigne
Sa fille auprès de lui
Elle geint elle pleure
La sirène de l’ambulance
Une seule note
Ponnnnnnn
Que de monde sur la place
Femmes hommes enfants
On ne sait plus s’ils parlent
Ou s’ils crient
S’ils pleurent hurlent
Ils sont tant
À courir
Leurs enfants
Leurs bébés sur leurs avant-bras
Au milieu de la foule
Vers la porte du salut
Un carré dans la nuit
Allumé
Une lampe rouge clignote
Un espoir au milieu du carnage
L’humaine cohue 
Chahut d’espoirs
Que de blessures
Sur ces bouilles enfantines
Une plage à perte de vue	
Une ligne verticale
Entre mer et terre
Ils sont des mille et
Des mille
Les pieds dans le sable 
Dans l’eau
Ils forment une longue bande mouvante
Colorée
Une clameur monte
Les bras s’élèvent
Comme dans les tribunes d’un stade
Un soulagement
Un enthousiasme
Une reconnaissance
Pour ces gens courageux
Qui rament
Dans de petits bateaux
Par dizaines
Bravant le blocus et les bombes
Pour apporter de l’aide
À ces milliers
Qui crient de joie, rient
Pour quelques sacs de grains
Qui approchent
Lentement à l’horizon proche
Des corps
Encore et encore des corps
À nos pieds
Sous nos yeux
Une foule est rassemblée
Nombreuse
Comme un été à la mer 
Pendant les vacances
Que de couleurs
La plage est bariolée
Haut dans le ciel
Des cerfs-volants
Ou peut-être des oiseaux
Ils grossissent
L’horizon confronte l’eau et l’azur
Un trait invisible les sépare
Deux bleuités 
L’une au-dessus de l’autre
Des enfants courent 
Comme s’ils jouaient
Et ils jouent sûrement
Les vagues vont viennent
Écument le rivage
Regarde
Ce sont des parachutes
Retenant des colis
Ils tombent dans la mer
Un voile gonflé les accompagne
Il se débat dans le souffle du vent
Ils sont deux ils sont vingt
Dans les remous
Il va falloir nager pour les atteindre
Et les ramener
Deux vidéos superposées
Celle du dessus
Un homme âgé
Dans un magasin
Il parle de la situation
Il tient un cornet dans sa main gauche
Glace vanille
Nous sommes proches
Qu’il dit
Du cessez le feu
Lundi prochain j’espère
Nous l’aurons
Et dessous des mains d’enfants
Leurs gamelles à bout de bras
En habit de misère
De galère
Derrière des barres de fer
Hurlant famine
Criez plus fort
Il n’y que lui qu’on entend
Impeccable 
Bien coiffé
Cravaté costard bleu
Chez son confiseur
Un Noir joue de la musique
Il chante
À la haine
À l’amour
Ses yeux feignent de souffrir
Ses sourcils froncent
Comme on fait l’amour
Au lit avec son aimée
Une pute une fiancée
Il chante à l’amour à la haine 
Et moi je pense à cette fille
Avec qui une nuit
Une longue nuit
J’ai baisé
Et à ses caresses
Qui chantent encore 
Le long de mes cuisses
Sur mes lèvres
À coups de baguette
Sur l’arrière train
Âne petit âne
Tu tires sans rien dire
Muet de patience
La tête enguirlandée
Le cou bâté
Tu tires
Des hommes plusieurs
En combinaisons vertes
Ils t’aident
Poussent 
Retiennent ton chargement
Qu’il aille droit
Sur ta charrette
Âne petit âne
Des corps
Six ou sept
Cinq cents kilos de cadavres
Il est tout maigrichon
On voit son squelette
Plus gros il n’aurait pas pu se glisser
Par la fente
Et quitter sa prison 
De béton et de fer
Sa maison
Écroulée bombardée
Des jours et des nuits
Sans manger sans boire
Il est si maigre
Il ne sourit pas
Enroulé dans une couverture
À l’air libre
Il est en état de survie
Pauvre petit homme
Un gosse
Il suffoque
Il manque d’air
Comment tient-il debout
Dans ses pleurs il parle
Le langage de la perte
À travers ses lèvres
Effrayantes de tristesse
Son frère est au sol
Il a le même visage
Le même âge
Il voulait sortir
- Je lui avais dit
De ne pas aller trop loin
Mon frère aimé
Je le jure devant Dieu
Je veux dormir près de toi
Il dit
Il caresse son frère
Joue contre joue
Il touche ses cheveux
Il pleure
Son frère dans un sac mortuaire
Un portable 
Il profère des menaces
Déplacez-vous
Du nord au sud
Du sud au nord
Par ici
Par là
Et à la fin l’armée tire
À balles réelles
Sur les réfugiés
Sous une tente de fortune
Des enfants
Ils sont sages
Assis face à un homme
Qui les fait chanter
Leur apprend la poésie
Au milieu de la guerre
Ils lèvent la main
Ils se maquillent
Ils jouent la comédie
- Nous sommes un peuple cultivé
Aspirant à la liberté
Et à l’indépendance
Ils courent en tous sens
Dans le sable la poussière
Pour éviter les roquettes
La caméra au ras du sol
Elle filme des gens
Leurs jambes en mouvement
Je veux ma jambe
Larmoie la petite fille 
À qui il en manque une
Sous les caresses de sa mère
Je veux retrouver ma jambe
Dit cette future femme
Dans son fauteuil roulant
Des tanks ont ouvert le feu
Des civils affamés
Courent et meurent
Pour une pincée de farine
Une tartine
Dans les grandes villes du monde
Des marches
Des défilés
Des pancartes
Des prises de parole
Les mots du sang
De l’injustice
Et du génocide
Un char écrase
Consciencieusement
De la nourriture
Son frère ne reviendra pas
Mais il veille à son chevet
Depuis quand ?
Combien de temps encore ? 
À genoux devant l’éternité
Un paysage de rêve
Une plage
Du sable chaud
Jusqu’au fond du paysage
Le bleu et l’ocre
Entendez les voix palestiniennes
Qui courent par milliers
Pour éviter la mort
Et son armée de l’air
Qui viennent du Ciel
La nuit ne dort pas
Elle n’a pas le temps
Des éclairages confus
Peu lumineux
Des feux 
La lune pleine
Des gens circulent
Cortège d’ombres désœuvrées
Fatiguées
Debout dans les ténèbres
Un drap plein de broderies
Tiré aux quatre coins
Pour faire civière
Dedans un enfant
Un homme rampe dans les gravats
On lui tire dessus
Un autre crie
Il charrie un sac sur son épaule
La farine ou la vie
À prix d’humiliation
Devant l’écran de mon ordinateur
Un enfant meurt de faim
Ses membres en baguette de tambour
Sa tête livide toute sèche
Je le vois
Il va mourir
Dans un sweat aux étoiles
La foule la foule la foule
Dense dense dense
Des banderoles
Rouge noir blanc vert
Des slogans
Des clameurs gigantesques
C’est un autre pays
Pas loin
Un pays frère
Qui entre en guerre
Des bidasses
Trop cons pour être respectés
Tout juste bons à être traités
De merde
Car ils puent la merde
La merde de la mort
Qu’ils répandent
En chantant
En dansant
De simples bidasses
Comme il y en a tant
Dans toutes les guerres
Ce n’est plus un enfant
Ce n’est plus un être humain
C’est un squelette
Il est recouvert d’une peau fine
Couleur sable
Il n’a plus de vie
À la place des yeux
Allah
Quelque chose de constellé
Pour décorer
Sur le sol des corps mourants blessés en vie dans le sang le sien celui des autres sans lit brouhaha pour s’entendre les ordres du médecin de l’infirmier du parent qui réconforte son proche souffre en silence dans le désarroi manque de soins manque de tout étagères vidées sang répandu sol carrelé rougi j’entends psalmodier une voix au-dessus de la mêlée humaine des enfants toujours eux dans leur incompréhension il sauront plus tard s’ils en réchappent les bombes vont et viennent comme les jours les nuits la mort cerf-volant l’hôpital
Terrain vague occupé friche mur démoli herbes folles des portants de métal il pend des couvertures des matelas motifs colorés traditionnels on s’est couché dessus fait l’amour ils pendent au soleil de la guerre ne sèchent pas protègent l’abri de fortune des lignes blanches des fleurs des taches bleu sombre égayées de jaune molleton de douceur dans  la dévastation un jour des amoureux ont conçu des rêves dans ces méandres de tissus
Dans la rue un corps déchiqueté près de sa voiture éventrée rouge sang hémoglobine déchets d’objets du quotidien petites onces colorées l’âne tout près avec son chariot de cadavres des paroles des gens empêtrés dans une tâche inhumaine dans la rue se pressent l’horreur sous un arbre flamboyant témoin de ces vies défenestrées dépouillées de leur futur
Des vidéos de familles à genoux entre elles comme des portraits de groupes tous penchés une femme voilée fait des signes comme des injonctions au malheur ils/elles sont regroupé.es autour de leurs morts car ce sont les leurs dans le théâtre de la disparition femmes enfants l’intenable circonstance du destin
Musique chant un groupe d’enfants jour de fête maquillages danses vêtements propres et chatoyants des mains expertes bienveillantes le pinceau entre des doigts féminins des ronds rouges aux joues des drapeaux des cœurs aux couleurs de la Palestine la calligraphie sur le front des bambins les mains qui claquent en rythme et les mimiques mitigées qui marquent l’inquiétude la vigilance
C’est un tout jeune homme vêtu en uniforme vert kaki camouflage il marche en parlant Je suis un membre actif des forces US ne serai pas plus longtemps complice d’un génocide
Au milieu des porteurs de pancartes des slogans un homme en tee-shirt chapeau écharpe rouge émerge un porte-voix s’en prend au génocide accuse Israël drapeaux flottent autour un rouge au vent devant la caméra hommage Aaron Bushnell fleurs RIP pancartes encore des banderoles Free Palestine stop US support of génocide des bougies autel photo Aaron tout sourire jeune homme heureux femmes voilées pleureuses standing ovation peuple feux de rue alcool à brûler banderoles encore parleur écharpe drapeau lisant portable devant micro  foule nombreux écoutent feux de rues encore parleurs mains en l’air stands au pieds des buildings des vétérans US brûlent leurs uniformes feux de rues slogans hurlés repris en chœur la veste militaire dans le brasier feux de rue en chœur alcool à brûler
Un soldat israélien en arme pose sous des trophées lingerie féminine gros dégueulasses bidasses lingerie ornements véhicules blindés militaires travestis lingeries femmes violées territoires occupés 
Gérard Darmon comédien français Vous êtes notre fierté il dit à tsahal (sans majuscule) devant soldats tables nourriture boissons
Deux pilotes de formule 1
Combines bleues
Casques brillants
Chevaliers mécaniques
Dans le pays d’à côté de la faim
Se congratulent au pied du podium
Champagne en magnum
Pauvre gosse
C’est déjà dur de dire ça
Comme ça
Il souffre de malnutrition
Ça se voit gros comme ça
Ce soir j’ai mangé à ma faim
Demain si tout va bien
Je mangerai à ma faim
Lui non
Il a tellement maigri
Il va encore maigrir
Il n’y a rien pour le nourrir
Seulement des yeux 
Pour le voir mourir
De loin très loin de lui
Dans les allées aux victuailles
Les gens ont des télés
À la place des yeux
Des fétiches dans le crane
Leur servent de la soupe
Chaque jour que Dieu fait
Si Dieu existe pour eux
Pourquoi pas pour lui
Qui n’en a plus pour longtemps
Digne témoin de notre condition
Je regarde ses yeux
Ce sont les miens
J’entends sa complainte
C’est la mienne
À Guernica 
Petite musique
J’imagine les paroles
J’entends le mot libre
Eh eh eh
Je serai mort demain
Ils sont des centaines
Au pays basque
Tirant sur du velum
Vert blanc rouge noir
En solidarité
Avec vous savez qui
Toutes ces images
Insoutenables
Qu’on doit soutenir
Magnificence de l’azur
Ce bleu grandiloquent
Des traits blanc gris
Rapides
Se dispersent  en fumée
Une enfant
Petite
Haute comme trois pommes
Un chouchou dans les cheveux
Toute seule
Derrière une haie de grandes personnes
Réunies autour de boîtes en carton
À manger comme des friandises
Elle toque comme sur une porte
Sur la jambe d’un adulte
Il lui demande
-	Qu’est-ce tu veux ?
Elle montre  un gâteau
Elle a de grands et beaux yeux
Des joues poussiéreuses
Des mains tendent de l’argent
Une autre s’en saisit
-	Prends-en un dit l’homme
Elle en choisit un
Elle part avec 
Tout étonnée
Après un petit signe de tête
En remerciement
Des blessés parmi les morts 
Cris et gémissements 
Il cogne et recogne le mur
La tête dans ses mains
Puis recogne
La perte de sa petite sœur 
Deux fillettes
Dans un véhicule infirmier
Visages ensanglantés
Bras raidis
Elles tremblent deux fois
Et en mesure
Ballotées par la terreur 
Et par les soubresauts chaotiques
De la route déchiquetée
Ce tout petit
Tout nu
Si amaigri
Porté dans une épaisse couverture
Sauvé
Neuf jours sous les décombres
Ses yeux s’ouvrent et se ferment
Au soleil
Le chagrin d’une mère
Sur le carrelage d’une morgue
Etreignant son enfant
Avant la chambre froide
Il a du mal à tenir son portable
Il tremble de tout son corps
Sur le sol devant lui
Sa famille dans des sacs
Rougis de sang
D’où sort-il celui-là
D’une mine de charbon
D’un camp de concentration
D’un tremblement de terre
De la cave de sa maison
D’un bain de boue
Sur son lit de fortune
Terrorisé 
Couvert de plaies
En lambeaux
Il revient de l’enfer
Celui de l’inhumanité
Des hommes douleur de Sion
Et de leur cruauté
Un petit corps dans chaque bras
Deux petits êtres 
Leurs têtes inanimées
Elles ne sont plus retenues
Par le nerf de la paix
Elles pendent
Au rythme du bonhomme
Et de ses admonestations
Il refuse de les lâcher
On doit les lui arracher des mains
Il lève le doigt l’agite
Incantatoire 
Vers la caméra
À l’adresse des assassins
Des secoureurs
Ils prennent des risques
Inimaginables
Au bord des précipices
En haut de bâtiments branlants
Ils tirent de leurs espoirs
Et de leur témérité
De nouvelles vies 
Et des sourires tristes
Dans les décombres
Des cadavres 
Ils se mêlent aux gravats
Lequel est le plus inerte
La chose ou l’être
Sur l’écran de vidéo-surveillance
En direct
Des hommes entrent dans l’hôpital
Ils sont armés
Exécution
La main d’un orphelin
Brutalement seul
Tous ont été tués
Père mère frères sœurs
Sa main
De beaux doigts longs et tendres
Serrent agrippent un proche
Son bras son épaule
Une femme crie
Elle crie si fort
Je l’entends d’où je suis
Personne d’autre ne l’entend
Au milieu du désordre
D’autres cris
On dirait qu’elle est seule à crier
Seule
Une ado
Transie
Sous la pluie battante
Assise dans l’hébétude
Il y en a un 
Enfin
Qui vient la chercher
Un homme appuyé à un mur
La tête dans sa capuche
C’est tout ce qu’il fait
Il s’appuie tourne sur lui-même
Un autre fait de drôles de bruits
Avec sa bouche et son nez
À genoux auprès d’un mort
Son père peut-être
Il pleut
Un tout minot
Sanglé comme un tapis
Son frère pousse le vélo
Deux-roues mal gonflé
Chargées de couvertures
D’affaires trempées
La mère tire une charrette
Elle porte un voile noir
Une ombre harassée
Le père le dos bossu de bagages
Tient tous ses petits par la main
Ils forment une chaîne
Commence et finit nulle part
Dans les rues mouillées
Des hommes les mains en l’air
Coups de feu
L’un d’entre eux 
Peut-être deux
Tombent
Tu es là vivant
Avec ton histoire en cours
Et quelqu’un qui t’attend
Une fraction d’éternité passe
L’instant suivant
Tu es mort
Abîmé sur le trottoir
D’une cité détruite
Deux petits garçons
Se ressemblent
Même bouille
Même pyjama bleu
L’un contre l’autre
Ils dorment sous la tente 
Dans un bouchon de couverture
Allongés dans l’eau et la boue 
Ils rêvent 
Les cris des tout petits qu’on soigne
Choqués meurtris
Pour la vie
Des blessés
Beaucoup
Tous les âges
Allongés ou assis 
Sur le carrelage blanc
Sang et terre par-dessus
Ce n’est plus un carrelage blanc
C’est autre chose
Un sol une antichambre 
Dehors l’espoir ou la fosse
Des blessés
Des consciences 
Assistent à leur impuissance
La neige maintenant
Il ne manquait plus qu’elle
Avec le froid et la famine
Les bombes et l’injustice
Mais ce n’est que de la neige...
... et c'est si beau la neige.
* * *