19 mars 2024
VOIR LE REEL
On dirait de la neige Il en met dans sa poche Des deux mains Elles raclent le sol blanc Ils ont tous marché dessus À sa recherche La terre est de couleur ocre Elle se mélange à la neige Ils sont plusieurs à la recueillir Dans des sacs en plastique Mélange de sable De poussière blanche Blanchâtre Ils sont en sandales En pantalons à rayures L’air inquiet À ramasser le peu de farine Qui traîne par terre Pour manger Elle porte un pyjama Rose et blanc Un ruban dans ses cheveux blondinets Sa mimine étendue sur le sol Les doigts vides Elle dort à côté d’un garçon En survêtement bleu et jaune Les dalles de l’hôpital Leur servent de matelas On a dû les mener À la lueur de néons froids À travers des couloirs Ces petits si légers Dans les bras On les a recouverts En attendant les autres Et puis on les a mis Dans des sacs en plastique Un père s’éloigne Sa fille auprès de lui Elle geint elle pleure La sirène de l’ambulance Une seule note Ponnnnnnn Que de monde sur la place Femmes hommes enfants On ne sait plus s’ils parlent Ou s’ils crient S’ils pleurent hurlent Ils sont tant À courir Leurs enfants Leurs bébés sur leurs avant-bras Au milieu de la foule Vers la porte du salut Un carré dans la nuit Allumé Une lampe rouge clignote Un espoir au milieu du carnage L’humaine cohue Chahut d’espoirs Que de blessures Sur ces bouilles enfantines Une plage à perte de vue Une ligne verticale Entre mer et terre Ils sont des mille et Des mille Les pieds dans le sable Dans l’eau Ils forment une longue bande mouvante Colorée Une clameur monte Les bras s’élèvent Comme dans les tribunes d’un stade Un soulagement Un enthousiasme Une reconnaissance Pour ces gens courageux Qui rament Dans de petits bateaux Par dizaines Bravant le blocus et les bombes Pour apporter de l’aide À ces milliers Qui crient de joie, rient Pour quelques sacs de grains Qui approchent Lentement à l’horizon proche Des corps Encore et encore des corps À nos pieds Sous nos yeux Une foule est rassemblée Nombreuse Comme un été à la mer Pendant les vacances Que de couleurs La plage est bariolée Haut dans le ciel Des cerfs-volants Ou peut-être des oiseaux Ils grossissent L’horizon confronte l’eau et l’azur Un trait invisible les sépare Deux bleuités L’une au-dessus de l’autre Des enfants courent Comme s’ils jouaient Et ils jouent sûrement Les vagues vont viennent Écument le rivage Regarde Ce sont des parachutes Retenant des colis Ils tombent dans la mer Un voile gonflé les accompagne Il se débat dans le souffle du vent Ils sont deux ils sont vingt Dans les remous Il va falloir nager pour les atteindre Et les ramener Deux vidéos superposées Celle du dessus Un homme âgé Dans un magasin Il parle de la situation Il tient un cornet dans sa main gauche Glace vanille Nous sommes proches Qu’il dit Du cessez le feu Lundi prochain j’espère Nous l’aurons Et dessous des mains d’enfants Leurs gamelles à bout de bras En habit de misère De galère Derrière des barres de fer Hurlant famine Criez plus fort Il n’y que lui qu’on entend Impeccable Bien coiffé Cravaté costard bleu Chez son confiseur Un Noir joue de la musique Il chante À la haine À l’amour Ses yeux feignent de souffrir Ses sourcils froncent Comme on fait l’amour Au lit avec son aimée Une pute une fiancée Il chante à l’amour à la haine Et moi je pense à cette fille Avec qui une nuit Une longue nuit J’ai baisé Et à ses caresses Qui chantent encore Le long de mes cuisses Sur mes lèvres À coups de baguette Sur l’arrière train Âne petit âne Tu tires sans rien dire Muet de patience La tête enguirlandée Le cou bâté Tu tires Des hommes plusieurs En combinaisons vertes Ils t’aident Poussent Retiennent ton chargement Qu’il aille droit Sur ta charrette Âne petit âne Des corps Six ou sept Cinq cents kilos de cadavres Il est tout maigrichon On voit son squelette Plus gros il n’aurait pas pu se glisser Par la fente Et quitter sa prison De béton et de fer Sa maison Écroulée bombardée Des jours et des nuits Sans manger sans boire Il est si maigre Il ne sourit pas Enroulé dans une couverture À l’air libre Il est en état de survie Pauvre petit homme Un gosse Il suffoque Il manque d’air Comment tient-il debout Dans ses pleurs il parle Le langage de la perte À travers ses lèvres Effrayantes de tristesse Son frère est au sol Il a le même visage Le même âge Il voulait sortir - Je lui avais dit De ne pas aller trop loin Mon frère aimé Je le jure devant Dieu Je veux dormir près de toi Il dit Il caresse son frère Joue contre joue Il touche ses cheveux Il pleure Son frère dans un sac mortuaire Un portable Il profère des menaces Déplacez-vous Du nord au sud Du sud au nord Par ici Par là Et à la fin l’armée tire À balles réelles Sur les réfugiés Sous une tente de fortune Des enfants Ils sont sages Assis face à un homme Qui les fait chanter Leur apprend la poésie Au milieu de la guerre Ils lèvent la main Ils se maquillent Ils jouent la comédie - Nous sommes un peuple cultivé Aspirant à la liberté Et à l’indépendance Ils courent en tous sens Dans le sable la poussière Pour éviter les roquettes La caméra au ras du sol Elle filme des gens Leurs jambes en mouvement Je veux ma jambe Larmoie la petite fille À qui il en manque une Sous les caresses de sa mère Je veux retrouver ma jambe Dit cette future femme Dans son fauteuil roulant Des tanks ont ouvert le feu Des civils affamés Courent et meurent Pour une pincée de farine Une tartine Dans les grandes villes du monde Des marches Des défilés Des pancartes Des prises de parole Les mots du sang De l’injustice Et du génocide Un char écrase Consciencieusement De la nourriture Son frère ne reviendra pas Mais il veille à son chevet Depuis quand ? Combien de temps encore ? À genoux devant l’éternité Un paysage de rêve Une plage Du sable chaud Jusqu’au fond du paysage Le bleu et l’ocre Entendez les voix palestiniennes Qui courent par milliers Pour éviter la mort Et son armée de l’air Qui viennent du Ciel La nuit ne dort pas Elle n’a pas le temps Des éclairages confus Peu lumineux Des feux La lune pleine Des gens circulent Cortège d’ombres désœuvrées Fatiguées Debout dans les ténèbres Un drap plein de broderies Tiré aux quatre coins Pour faire civière Dedans un enfant Un homme rampe dans les gravats On lui tire dessus Un autre crie Il charrie un sac sur son épaule La farine ou la vie À prix d’humiliation Devant l’écran de mon ordinateur Un enfant meurt de faim Ses membres en baguette de tambour Sa tête livide toute sèche Je le vois Il va mourir Dans un sweat aux étoiles La foule la foule la foule Dense dense dense Des banderoles Rouge noir blanc vert Des slogans Des clameurs gigantesques C’est un autre pays Pas loin Un pays frère Qui entre en guerre Des bidasses Trop cons pour être respectés Tout juste bons à être traités De merde Car ils puent la merde La merde de la mort Qu’ils répandent En chantant En dansant De simples bidasses Comme il y en a tant Dans toutes les guerres Ce n’est plus un enfant Ce n’est plus un être humain C’est un squelette Il est recouvert d’une peau fine Couleur sable Il n’a plus de vie À la place des yeux Allah Quelque chose de constellé Pour décorer Sur le sol des corps mourants blessés en vie dans le sang le sien celui des autres sans lit brouhaha pour s’entendre les ordres du médecin de l’infirmier du parent qui réconforte son proche souffre en silence dans le désarroi manque de soins manque de tout étagères vidées sang répandu sol carrelé rougi j’entends psalmodier une voix au-dessus de la mêlée humaine des enfants toujours eux dans leur incompréhension il sauront plus tard s’ils en réchappent les bombes vont et viennent comme les jours les nuits la mort cerf-volant l’hôpital Terrain vague occupé friche mur démoli herbes folles des portants de métal il pend des couvertures des matelas motifs colorés traditionnels on s’est couché dessus fait l’amour ils pendent au soleil de la guerre ne sèchent pas protègent l’abri de fortune des lignes blanches des fleurs des taches bleu sombre égayées de jaune molleton de douceur dans la dévastation un jour des amoureux ont conçu des rêves dans ces méandres de tissus Dans la rue un corps déchiqueté près de sa voiture éventrée rouge sang hémoglobine déchets d’objets du quotidien petites onces colorées l’âne tout près avec son chariot de cadavres des paroles des gens empêtrés dans une tâche inhumaine dans la rue se pressent l’horreur sous un arbre flamboyant témoin de ces vies défenestrées dépouillées de leur futur Des vidéos de familles à genoux entre elles comme des portraits de groupes tous penchés une femme voilée fait des signes comme des injonctions au malheur ils/elles sont regroupé.es autour de leurs morts car ce sont les leurs dans le théâtre de la disparition femmes enfants l’intenable circonstance du destin Musique chant un groupe d’enfants jour de fête maquillages danses vêtements propres et chatoyants des mains expertes bienveillantes le pinceau entre des doigts féminins des ronds rouges aux joues des drapeaux des cœurs aux couleurs de la Palestine la calligraphie sur le front des bambins les mains qui claquent en rythme et les mimiques mitigées qui marquent l’inquiétude la vigilance C’est un tout jeune homme vêtu en uniforme vert kaki camouflage il marche en parlant Je suis un membre actif des forces US ne serai pas plus longtemps complice d’un génocide Au milieu des porteurs de pancartes des slogans un homme en tee-shirt chapeau écharpe rouge émerge un porte-voix s’en prend au génocide accuse Israël drapeaux flottent autour un rouge au vent devant la caméra hommage Aaron Bushnell fleurs RIP pancartes encore des banderoles Free Palestine stop US support of génocide des bougies autel photo Aaron tout sourire jeune homme heureux femmes voilées pleureuses standing ovation peuple feux de rue alcool à brûler banderoles encore parleur écharpe drapeau lisant portable devant micro foule nombreux écoutent feux de rues encore parleurs mains en l’air stands au pieds des buildings des vétérans US brûlent leurs uniformes feux de rues slogans hurlés repris en chœur la veste militaire dans le brasier feux de rue en chœur alcool à brûler Un soldat israélien en arme pose sous des trophées lingerie féminine gros dégueulasses bidasses lingerie ornements véhicules blindés militaires travestis lingeries femmes violées territoires occupés Gérard Darmon comédien français Vous êtes notre fierté il dit à tsahal (sans majuscule) devant soldats tables nourriture boissons Deux pilotes de formule 1 Combines bleues Casques brillants Chevaliers mécaniques Dans le pays d’à côté de la faim Se congratulent au pied du podium Champagne en magnum Pauvre gosse C’est déjà dur de dire ça Comme ça Il souffre de malnutrition Ça se voit gros comme ça Ce soir j’ai mangé à ma faim Demain si tout va bien Je mangerai à ma faim Lui non Il a tellement maigri Il va encore maigrir Il n’y a rien pour le nourrir Seulement des yeux Pour le voir mourir De loin très loin de lui Dans les allées aux victuailles Les gens ont des télés À la place des yeux Des fétiches dans le crane Leur servent de la soupe Chaque jour que Dieu fait Si Dieu existe pour eux Pourquoi pas pour lui Qui n’en a plus pour longtemps Digne témoin de notre condition Je regarde ses yeux Ce sont les miens J’entends sa complainte C’est la mienne À Guernica Petite musique J’imagine les paroles J’entends le mot libre Eh eh eh Je serai mort demain Ils sont des centaines Au pays basque Tirant sur du velum Vert blanc rouge noir En solidarité Avec vous savez qui Toutes ces images Insoutenables Qu’on doit soutenir Magnificence de l’azur Ce bleu grandiloquent Des traits blanc gris Rapides Se dispersent en fumée Une enfant Petite Haute comme trois pommes Un chouchou dans les cheveux Toute seule Derrière une haie de grandes personnes Réunies autour de boîtes en carton À manger comme des friandises Elle toque comme sur une porte Sur la jambe d’un adulte Il lui demande - Qu’est-ce tu veux ? Elle montre un gâteau Elle a de grands et beaux yeux Des joues poussiéreuses Des mains tendent de l’argent Une autre s’en saisit - Prends-en un dit l’homme Elle en choisit un Elle part avec Tout étonnée Après un petit signe de tête En remerciement Des blessés parmi les morts Cris et gémissements Il cogne et recogne le mur La tête dans ses mains Puis recogne La perte de sa petite sœur Deux fillettes Dans un véhicule infirmier Visages ensanglantés Bras raidis Elles tremblent deux fois Et en mesure Ballotées par la terreur Et par les soubresauts chaotiques De la route déchiquetée Ce tout petit Tout nu Si amaigri Porté dans une épaisse couverture Sauvé Neuf jours sous les décombres Ses yeux s’ouvrent et se ferment Au soleil Le chagrin d’une mère Sur le carrelage d’une morgue Etreignant son enfant Avant la chambre froide Il a du mal à tenir son portable Il tremble de tout son corps Sur le sol devant lui Sa famille dans des sacs Rougis de sang D’où sort-il celui-là D’une mine de charbon D’un camp de concentration D’un tremblement de terre De la cave de sa maison D’un bain de boue Sur son lit de fortune Terrorisé Couvert de plaies En lambeaux Il revient de l’enfer Celui de l’inhumanité Des hommes douleur de Sion Et de leur cruauté Un petit corps dans chaque bras Deux petits êtres Leurs têtes inanimées Elles ne sont plus retenues Par le nerf de la paix Elles pendent Au rythme du bonhomme Et de ses admonestations Il refuse de les lâcher On doit les lui arracher des mains Il lève le doigt l’agite Incantatoire Vers la caméra À l’adresse des assassins Des secoureurs Ils prennent des risques Inimaginables Au bord des précipices En haut de bâtiments branlants Ils tirent de leurs espoirs Et de leur témérité De nouvelles vies Et des sourires tristes Dans les décombres Des cadavres Ils se mêlent aux gravats Lequel est le plus inerte La chose ou l’être Sur l’écran de vidéo-surveillance En direct Des hommes entrent dans l’hôpital Ils sont armés Exécution La main d’un orphelin Brutalement seul Tous ont été tués Père mère frères sœurs Sa main De beaux doigts longs et tendres Serrent agrippent un proche Son bras son épaule Une femme crie Elle crie si fort Je l’entends d’où je suis Personne d’autre ne l’entend Au milieu du désordre D’autres cris On dirait qu’elle est seule à crier Seule Une ado Transie Sous la pluie battante Assise dans l’hébétude Il y en a un Enfin Qui vient la chercher Un homme appuyé à un mur La tête dans sa capuche C’est tout ce qu’il fait Il s’appuie tourne sur lui-même Un autre fait de drôles de bruits Avec sa bouche et son nez À genoux auprès d’un mort Son père peut-être Il pleut Un tout minot Sanglé comme un tapis Son frère pousse le vélo Deux-roues mal gonflé Chargées de couvertures D’affaires trempées La mère tire une charrette Elle porte un voile noir Une ombre harassée Le père le dos bossu de bagages Tient tous ses petits par la main Ils forment une chaîne Commence et finit nulle part Dans les rues mouillées Des hommes les mains en l’air Coups de feu L’un d’entre eux Peut-être deux Tombent Tu es là vivant Avec ton histoire en cours Et quelqu’un qui t’attend Une fraction d’éternité passe L’instant suivant Tu es mort Abîmé sur le trottoir D’une cité détruite Deux petits garçons Se ressemblent Même bouille Même pyjama bleu L’un contre l’autre Ils dorment sous la tente Dans un bouchon de couverture Allongés dans l’eau et la boue Ils rêvent Les cris des tout petits qu’on soigne Choqués meurtris Pour la vie Des blessés Beaucoup Tous les âges Allongés ou assis Sur le carrelage blanc Sang et terre par-dessus Ce n’est plus un carrelage blanc C’est autre chose Un sol une antichambre Dehors l’espoir ou la fosse Des blessés Des consciences Assistent à leur impuissance La neige maintenant Il ne manquait plus qu’elle Avec le froid et la famine Les bombes et l’injustice Mais ce n’est que de la neige... ... et c'est si beau la neige. * * *