Peuple

Je passe… du peuple aux peuples, peuplés, dépeuplés, dans des baies de lumière, des vents de sable, des zéniths alanguis des passages hâtifs, ou désespérés, ou fi de l’orage humain,  j’avance, mon peuple déployé, toi, ma sœur, seule, avec ton frère, ton époux, vers des havres gorgés, de promesses d’été…

Je dois… aller, peupler en moi, delà mes pleurs, mes peurs, ailleurs, parce que les monts m’appellent, les monts de mon âme, de mon ventre, à l’appel de ma voie, de mes enfants, ou de ma femme, là-bas, quittant, s’il le faut, nos maisons, nos sanctuaires, avec eux, avec elle…

Je suis… le fils du peuple, le peuple lui-même, je suis le peuple, et le peuple émoi, seul, ou parmi les miens, ou les tiens, mon frère, et je vais, avec toi, la marche sous nos pas, la piste déroulée, la route esseulée, la transhumance, humaine, chargée d’immanence, aux sons des soupirs, des cris et des joies, dans l’attente du retour, des départs forcés, ou des arrêts bloqués, sur le quai de gares, près de wagons noirs, des locos tiraillées, par des mains ignorantes, conduites sans réponse, aux lois des au-delà…

Nous voici donc… peuples ensemble, moi seul, lui seul, peuple d’enfants nés, elle aussi, son bébé dans les bras, à l’orée des frontières, à l’autel des églises, à la proue des bateaux, face à l’immensité, aux nouvelles libertés, aux vallées de demain, poussés par les armes, tirés en habits de fuite, sur les plaines inconnues, les rivages colorés…

J’ai vu… les peuples, fils des peuples, les peuplements errants, dépeuplés, peuplés, dans les camps ou l’on danse, près des feux ou l’on chante, les robes mouvementées, les jambes enlacées, par le regard des hommes, fiers, partis, eux aussi, les bras en chaloupe, pagayant les fleuves palatins, les forets latines, les plaines et leurs steppes, amériques ou caucasiennes, les savanes éparses, les terres, nombreuses, aux ocres jaunes, rouges, les plateaux infinis, les océans bleuis, aux soleils de mercure, et le Bosphore, phosphorescent, aux flammes des maisons de bois…

Ecoute… ces autres peuples, allant, toujours, de l’avant, peuplant, ces contrées de l’imaginaire, ces pays de miel, et de cocagne, ces rivages infinis, de délices souhaités, des espoirs fêtés, des rêves inoubliés…

J’ai suivi…aux pieds des peuples, les souliers de l’exode, le dépeuplement, le temps qui passe, l’impasse ouverte, sur l’issue fatale, les couloirs drainant, ou glissent des familles, portent des porteurs, des vivres, des tissus de couleur, des larmes fondues, forgées de foi, et la sueur, au goût amer du sel si rare…

J’écris… peuple en marche, peuple moi-même, peuple de toi, sur des édits inscrits, sur le devant des temples, aux frontons ébahis, de cultures en cultures, de s’être enracinés, sur les sillons sédentaires, traces d’anciens nomades, au milieu de caravanes, la menthe brûlante, aux lèvres, l’huile fumante, roulant dans les palais…

Je suis… peuple entier, infini, peuplant, séparé, honni ou espéré, réuni enfin, sauvé, de mes marches silencieuses, acclamées parfois, sous mes bracelets de guerre, mon casque de fer, libérant des cités, des cites prisonnières, agitant des drapeaux, des victoires décisives, et des langues criardes, promptes aux baisers…

Je cours… mes pairs, mon peuple, fils de peuple, près des ancêtres, heureux dans mes prairies, l’arc a la main, avant d’être chassé, moi-même, comme l’animal, un peuple trop faible, ancien, empirique, mais un des tout premiers, à vivre la nature…

Je reviens… repeuple en fils, les mères repeuplant, de maris et de fils, tant d’années plus tard, un article de loi, à la main, un envoyé de foi, aux tribunes des hommes, faire justice, reprendre, circonscrire, les nouveaux traités, ceux qu’on respectera, auxquels on s’alliera, et la liesse est dressée, les familles, à nouveau, les yeux de l’écoute, dans les paroles des sages, les bambins joyeux, dans les jupons des mères, et les bouches aux esquisses, dans les bras des femmes…

Je donne … aux peuples des peuples, la paix, la voici, nonchalante, sous le ciel du juste, son manteau sur l’épaule, la nuque découverte, comme après le labeur, son torse, ouvert sous la chemise, blanche, assez du sang de l’incendiaire, des cendres de la chair, place aux rires des kiosques, aux flûtes enjôleuses, de l’adolescence pressée, des jeunes filles en rose, des garçons du soleil, de vivre, de vivre plus, des doux baisers de leur jeunesse, puis place a la fortune, aux embrassades des adultes, plein de nécessites plénières…

Je pars… parce qu’il faut partir, et de peuples en peuples, eux-mêmes, fils et pères, leurs heures dans leurs mains, ce matin, ce petit matin gris, sous les périphériques, les radios éclectiques, je roule, moi peuple, peuple en toi, toi et moi, frères et compagnes, compagnons de route, changeant de ville, de matinées, d’après midi, jusqu’aux soirs, enivrants de fatigue, chez nos mères, nos épouses, nos amantes, où l’amour sue et peine, dans les lits du peuple, notre peuple, elles, comme lui, moi et toi, occupés à aimer, épousant l’arrêt des hostilités, et des consciences refoulées, dans des marches forcées, pour un corps à cœur, un embryon de repos, deux âmes entières, ensemble, nouées, et à l’aube d’un peuple, prochain, ici, le tien…

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