24 mars 2020
OR LA LOI – II
Encore un extrait contaminé. Quand je vous dis que c’est une véritable obsession. Après, tout ça n’est qu’une histoire de traitement. Pour mon personnage, c’était pas un problème, suffisait de penser : solution. Si cet extrait d’OR LA LOI – II rappelle quelque chose aux anciens, qu’ils me le fassent savoir.
Vous êtes prêt ?
***
Or la loi
Monsieur le ministre
Voyez un peu
Un de la haute
Un aristo
Au tribunal
Le grand
Près la Conciergerie
Ça ‘vous rappelle pas
La Marie-Antoinette
Toutes les grandes dames
S’appellent Marie
Je m’écarte
J’en étais où
Ah oui le procès
Deux ans de procédure
Le sujet de l’affaire
Retraitement chimique
Dans un bled
Des autorisations
Signées sans regarder
Des pots de vin
Gros comme le Titanic
En avant la musique
Les gros travaux
Maestro
Une première plainte
Une instruction
Et une enquête
Responsabilité civile
Ou administrative
On cherche
Mais en fouillant un peu
Au aperçoit au fond
Qu’une petite commission
De faisabilité
Dépêchée à l’époque
Avait rendu son opinion
NON
Nous étions prévenus
Dès le début
Avant l’heure
Ce serait trop risqué
Pour la faune
Pour la population
Et le produit chimique
N’est pas au point du tout
Nous rendons notre avis
À Monsieur le ministre
Ce qui n’arrange pas
Les flux liquides
Alors vous savez quoi
On étouffe l’affaire
On remercie la commission
Bâillonne les associations
Tous les défendeurs de l’espèce citoyenne
Et pendant ce temps-là
Le produit se répand
Comme la misère
Sur le pauvre monde
Dans l’eau
Dans l’air
Sur les récoltes
Dans les maisons
On essaie d’enrayer le phénomène
De noyer le poisson
On parle de radiations étrangères
Mais le fait est là
Un premier village
Rayé de la carte
Puis un autre
Les communes alentour
Cela fait force bruit
Des périodiques qui s’y frottent
S’y piquent
Des manifestations
Les familles
On s’inquiète
Qui sont les responsables
Le directeur du centre
Qui se retourne contre le gouvernement
Le ministre
Qui dément
Et c’est l’affaire
On ne dénombre plus les morts
Les paralysés
Les paraplégiques
Et les myopathes
Les radiés
Et j’en passe
Tout le dictionnaire médical
N’y suffirait pas
La cour des miracles
Le Tchernobyl du XXI° siècle
À cent bornes de Notre-Dame
Procès
Ça cause
Réquisitoires enflammés
Endiablés
Endeuillés
Affiche complet
À chaque séance
On ne compte plus les appels
Les pourvois
On invente des procédures
Exceptionnelles
Rien que pour le ministre
Enfin le jour J
Jugement dernier
Acquitté
Innocenté
N’a rien à voir
Avec tout ça
Tout blanc
Le Mônsieur
Ben voyons
Et les gosses difformes
À jeter aux ordures
Les femmes enceintes
Opérées d’urgence
Les hôpitaux bondés
De gens tout abîmés
Et les crèches en berne
Qui ont cessé de jouer
Les écoles en mouroir
Où s’enseigne la fin
Les salles dispensées de sport
Dont on se sert de dispensaires
Les mairies transformées
En cellules de crise
Et tous les chants
De ces opéras de misère
Les pleurs des spectateurs
Les offices funèbres
Qu’on rejoue à tous les actes
Les levers de rideau
Sur les gens esseulés
Qu’ont perdu leur conjoint
Leurs parents
Leurs enfants
Ainsi
Lorsque le verdict est tombé
Du siège des juges
Jusqu’aux lattes du parquet
L’humanité présente
Eut le droit de regagner la sortie
Alors
Les relents de dégoût
Dans les gorges serrées
Se sont déversés en clameur
Les gens se sont levés
Et tous debout
Se sont mis à cracher
Une salve d’horreur
Dans la salle aux audiences
*
Je suis dans cette salle
Près du gars qui parade
On le félicite
Par ici
Tandis que par là
On le hue
On hurle au trucage
Mais il est sauf
Ne craint plus rien
Sa responsabilité
N’est pas engagée
Au premier rang on prend la pose
L’indignation est repoussée
Au dernier rang
Pas d’indemnisation
Pas aujourd’hui
Faut retourner chez vous
On a plus de chez nous
La morne plaine
Que tout le monde sorte
Qu’on évacue la salle
Les photos claquent
La presse
Comme d’hab’
Aux premières loges
Fini le triste Sire
Ministre a beau sourire
Vous comprenez
Je suis irréprochable
Je suis un grand ministre
Un parolier des hémicycles
Le ténor de vos mercredis
Je repars en campagne
Je suis présentable
Lavé
J’ai gagné
Dès demain
Près de chez vous
Et vive la France
La foule
Je remonte sur ma moto
Empruntée pour l’occase
Mets le contact
Le casque
J’enclenche
Devant la grille
Du Palais de Justice
Du monde
Et des gendarmes
Des avocats
Et des juges
Des photographes
Des journalistes
La foire d’empoigne
S’il vous plait
Parlez plus près du micro
De celui-ci
Rapprochez-vous
Monsieur l’Ministre
Pour TF16
Toujours plus près
De mon joli pan pan
Et le coup part
Feu Monsieur le ministre
Sans autre forme de procès
En plein dans son joli nœud de cravate
Décoration
Grand-croix de la Légion d’horreur
Croyez-moi
Je n’ai pas attendu
Les félicitations du jury
Les acclamations du public
Les interviews à chaud
Roue arrière
En avant toute
Sur les pavetons de la peine capitale
Juste avant que n’arrivent les pandores
Avec leurs casques durs
Rien que pour moi
Messieurs
C’est trop d’honneur
Tout plein de beaux motards
Tout en bleu et en noir
OK
Vous voulez qu’on s’amuse
Que je me dis
Direction voie sur berge
À deux pas
De l’autre côté de la Seine
L’ai emmanchée à contresens
La Pompidou
Plein pots
Plein phares
Savent aussi piloter
Ces gars-là
J’ai intérêt à me magner
À donf ’ sur la gauche
J’use la béquille
Sur le trottoir
Ça frotte
Ça fait des étincelles
Comme dans une forge
Acier contre la pierre
Tu vas t’bouger
Ducon
Rien compris
Celui-là
Il va se vomir
Dans un bruit de ferraille
Une bétonneuse tombe à la baille
Moi je bourre
Une pointe à 180
Sous les Tuileries
S’attendaient pas à ce coup-là
Les dobermans
J’aime la surchauffe
Les moteurs bouillants
Qui vrombissent
La vitesse pure
Et le risque par-dessus tout
Tiens, la garde républicaine
Qui me file le train
Toute une horde Cours la Reine
À la chasse au mandrin
Je passe sous le Pont d’Iéna
J’évite deux-trois connards
Qu’essaient d’me faire valser
Des héros
Qu’on dira dans la presse
J’arrive à Bir Hakeim
Il y a des travaux
Je glisse sur le sable
Et je me viande
Je lâche la bécane dans le fleuve
Devant les automobilistes médusés
Rétablissement
Vite
Des marches métalliques
Serties au mur du pont
Je monte à toute vitesse
Ça sent sacrément le roussi
Je n’avais pas prévu
Que j’allais me gaufrer
À cent quarante à l’heure
Plus vite
Rejoindre le 16°
Et me confondre dans la foule
Me perdre dans les rues
Trop tard
Voici la meute qui rapplique
Je cours
Ne sais plus où aller
J’ai entendu des coups de feu
On m’a tiré dessus
Vous connaissez la suite
***
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