1 mai 2019
Impressions mêlées
Juin 2014
Les résistants du XXI° siècle
Il y a des peuples qui résistent comme des écueils dans le courant ; il y a des monstres à l’œuvre sur la terre ; il y a des guerres innommables, de vaines atrocités, des injustices pathétiques, dramatiques ; il y a le mensonge partout où se répand l’argent du vol ; le travail n’existe plus que sous la forme d’une soumission mondiale, et moi que fais-je ?
Il n’y pas si longtemps, des gamins se sont fait écraser par des tanks, le jour de mon anniversaire, qu’ai-je fait ? Ailleurs, pauvres enfants, pauvres mères affamées, miséreux hommes sans pain, tout près de mon luxe, de mon confort, de mon occident et de ses supermarchés gardés, qu’est-ce-que je fais de cette vie, de ces inégalités ?
C’est malheureux à dire, mais je ne fais pas grand-chose. Pas beaucoup de moyens à ma portée, les ami.es, sinon un bout de crayon ou un clavier, une honte insupportable, et parfois une rage au cœur, une envie de colère, d’insultes, de cris acharnés, de justice, quitte à employer la force, me tromper, faire les mêmes erreurs, tuer, assassiner, emprisonner, torturer, devenir le bourreau des bourreaux, leur prendre tout, les laisser pour morts, mais que fais-je ?
Rien de tout cela, je maîtrise mes sens, me calme, retourne à mes mots, j’en ai le pouvoir, le loisir, et je dois penser à toute cette chance, ce bonheur de faire ce que je sais faire, que j’en vive ou non, que j’en crève un jour, en tout bien tout honneur ou en misérable, mais en homme, riche et pauvre à la fois, mais en sachant que certains sacrifices courent dans la paix comme l’écho impossible d’acteurs disparus, et moi je le sais, et c’est tout ce qui m’intéresse, la survie de la paix, celle du droit à l’émancipation intellectuelle et culturelle, à chacun ses luttes, je voudrais qu’elles et ils et moi soyons libres, et j’en vois trop tomber sous les coups d’immondes personnages, et j’en vois beaucoup se dresser, leurs doigts de misère à la main, la chair de leur vérité sous les balles des salauds, je pense à eux, je les rejoins en pensée, c’est tout ce que je peux faire, ce n’est rien, absolument rien, soyez-en sûr, mais je les rejoins en pensée, comme dans une prière…
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7 janvier 2015
Ni soumission, ni suicide français, mais l’épreuve de la liberté.
D’abord le deuil, ensuite la relève.
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11 août 2015
Vous avez dit : « Liberté d’expression » ?
Je pose la question : « Qu’est-ce que la liberté d’expression ? »
Parmi les mille et une réponses possibles, il me vient celle-ci : « S’affranchir des limites ». Au-delà de ces limites, où l’on espère un progrès, c’est autre chose, sans doute une course « à la vie, à la mort », une façon d’être dans la réalité du monde, dans ses contradictions et, surtout, se retrouver face à d’autres, faiseurs de limites, pour qui le sens de cette question aurait la plus subversive des significations, pour qui sa simple évocation serait dérangeante.
C’est aussi une école des mots, ceux qui blessent, ceux qui tuent, ceux qui disent, simplement, et qui dérangent parce que pour certains tout n’est pas bon à être révélé, et parce qu’il y a autour de la liberté d’expression une volonté certaine de dénoncer l’arbitraire.
Et puis il y a l’analyse, c’est là une question d’équilibre, presque du juridique, une autre école, celle du jugement, des mots toujours et encore, mais des règles spécifiques, des lois alors que, logiquement, la liberté d’expression devrait s’en dédouaner et, justement, exprimer son indépendance.
Mais encore, comment dissocier la liberté d’expression de sa pire ennemie, l’obscurantisme, qui la voit toujours renaître dans les pires conditions, à travers les absolutismes, politiques ou religieux. Notre époque, loin de s’éveiller, en est le triste témoin. Beaucoup d’entre nous, dressés contre de puissants maniaques, en subissent les atroces et si stupides conséquences.
L’idéal serait qu’on ne parle jamais de liberté d’expression. Dès lors que celle-ci est convoquée, il est évident qu’un problème est posé, généralement par un abus supposé de cette liberté. Les constituants de 89 l’avaient bien anticipé, « sauf » à prévoir, à défaut d’« à répondre », que d’autres abus viendraient à leur tour entraver cette même liberté.
La liberté d’expression, dans le contexte actuel, est une forme salutaire de révolte à toutes les nouvelles formes d’oppression, c’est La révolte.
Le but ultime, la cause sublime, c’est la justice et la paix, donc ça se défend !
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12 août 2015
D’abord se positionner
D’abord se positionner, ou essayer de définir les origines d’une volonté d’agir.
Je suppose que nous fonctionnons tous à l’aide de déclencheurs. Il y a dans l’engagement un rapport de cause à effet. Untel perd un enfant à cause du cancer et le voilà en lutte contre le laboratoire qu’il croit coupable de sa mort ; un autre voit sa famille décimée dans un attentat et il prend les armes à son tour ou milite dans un groupe hostile au terrorisme ; une femme victime d’un viol sera porte-parole d’une ONG défendant les droits des femmes, et ainsi de suite.
Pour ma part j’essaie de comprendre les raisons qui pourraient me pousser à prendre la plume pour défendre une certaine idée de la liberté de penser et d’exprimer cette pensée, intellectuellement ou matériellement.
Ai-je un jour subi un événement qui m’aurait conduit à une telle frustration que j’en aurais nourri une rancune ? C’est possible. Quel enfant ai-je été au juste ? Ai-je pu m’exprimer librement dans ma famille ou bien ai-je été exclu de toute discussion ? L’école m’a-t-elle accompagné dans mon développement intellectuel ou, au contraire, m’a-t-elle privé de ma libre réflexion ? Un groupe de camarades aurait-il joué d’un ascendant sur ma personnalité et m’aurait-il contraint à une certaine forme d’acceptation concernant son mode de fonctionnement et ses codes ? Ou, au contraire, aurais-je été un jour tenu à l’écart d’un jeu ou d’un événement, au motif que je m’écartais pour lire, par exemple, ou que j’exprimais un avis différent ? Inconsciemment, aurais-je été le jouet de ces castrations possibles, et aurais-je grandi en alimentant une pensée contrite, alors qu’avec l’âge une détermination inconnue se fait l’écho d’un silence trop longtemps contenu ? Il y a certainement un peu de tout cela dans mes faiblesses, c’est ainsi, je dois composer avec, et accepter mes petites ou grandes lâchetés passées.
Toutefois un événement me revient parfois en mémoire. Je ne sais pas exactement ce qu’il signifie, si sa réminiscence est utile à mon propos, ou s’il est tout simplement vecteur d’une activité qui, normalement, a tout à voir avec le conscient. Quoiqu’il en soit, il m’intéresse de le relater.
C’était au tout début des années 70, à l’école dans une institution catholique. Pendant l’heure du déjeuner, au réfectoire, un élève a sifflé. Attendant une auto-dénonciation qui ne venait pas, un surveillant a fait sortir tous les élèves. Un par an, il leur a posé cette question : « C’est toi qui a sifflé ? », et comme tous nous avons répondu : « Non », nous avons tous, chacun notre tour, été giflés.
J’ai un souvenir très net de cet épisode. Ce surveillant est à jamais devant moi à me poser cette question. Si je n’étais alors qu’un gamin, lui devait avoir une vingtaine d’années. Nous l’appelions Yéyé. C’était un petit blond trapu coiffé à la mode anglaise, la frange juste au-dessus des yeux. Il portait aussi des lunettes de soleil et, quand il marchait dans la cour, il rangeait ses doigts dans les poches arrière de son jean. Il avait l’air d’un de ces loubards de l’époque, qu’on appelait des blousons noirs. S’il ne nous terrifiait pas, nous craignions ses baffes.
Un mauvais rêve m’a souvent réveillé depuis cette époque, et je crois qu’il me vient de cet épisode sordide. Je suis, avec quelques autres, face à un peloton d’exécution. L’instant dure. C’est la pénombre tout autour, il se pourrait qu’il pleuve.
Depuis je n’ai cessé de me questionner sur les conditions qui peuvent amener un individu à en exécuter un autre. Ceci est quelque chose de très humain, après tout, songez-y, il suffit de circonstances exceptionnelles pour que ce genre de vocation se révèle, surtout lorsqu’elle y est encouragée.
Tout le monde connaît ou a entendu parler de la forêt de Katyn, dans laquelle un épouvantable charnier fut découvert en 1943. Des exécuteurs avaient assassiné plusieurs milliers de Polonais d’une balle dans le crâne. Le film éponyme de Josef Vajda est à cet effet saisissant. Évidemment, et heureusement, la comparaison avec mon souvenir de gosse est sans commune mesure, mais je n’oublierai jamais mon angoisse lorsque je dus m’avancer et me placer face à cet exécuteur de cour de récré. Et je pense et penserai toujours à ces enfants anonymes et lointains qui subissent, certainement en ce moment même, d’innommables atrocités.
Dans un registre plus actuel, « grâce », si l’on peut dire, à internet, des informations du monde tel qu’il va parviennent jusqu’à nous en temps réel. Des images du bout de la planète, du fond de l’enfer que les hommes se créent pour magnifier l’horreur dont ils sont capables. J’ai visionné une vidéo, apparemment véridique, sur laquelle de nombreux jeunes hommes sont guidés vers des fosses, tout près desquelles ils sont abattus, comme à Katyn, sauf que ce nouveau théâtre tragique se joue aujourd’hui au Moyen-Orient.
Comment ne pas se trouver mal devant une telle barbarie ? Je me suis trouvé mal.
Suis-je en pleine digression ? Non, je trace un fil de pensée très personnel, je vaque à mes souvenirs, j’essaye par des exemples de comparer ma vie de tous les jours à ce qu’il se passe ailleurs, pour tenter de comprendre, pour forcer mon imagination à voir de plus près et provoquer l’émotion. J’ai besoin de ressentir quelque chose, je ne peux pas rester impassible. Voyez, même s’il semble qu’elle pourrait être remise en cause à moyen terme, voyez la situation pacifique de la France, au moins sur son sol. Sommes-nous tous, nous Français, également « touchés » par les événements qui bouleversent tant de pays et tant de peuples à l’heure actuelle ?
Prendre conscience de la souffrance des autres est déjà un bon début, il mène aux engagements.
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23 août 2015
Liberté Égalité Fraternité
Le fil de la liberté d’expression avec Liberté Egalité Fraternité.
Le fil de la liberté d’expression, comme celui de la pleine et entière liberté, est ténu. D’ailleurs et pour preuve, le mot « liberticide » revient souvent dans la presse dès qu’il s’agit des droits spécifiques à l’expression. Il faut reconnaître que notre société dispose d’un éventail de plus en plus étoffé pour que certains sujets ne puissent pas se discuter publiquement. Du même coup c’est le principe de la controverse qui s’éteint, ce qui ne peut être que dommageable pour la démocratie.
Ces dispositifs « anti » mais légaux se complètent par une acceptation tacite et obligée de la population qui, contrainte par l’appareil judiciaire, n’a d’autres solutions que de se conformer aux lois de la République, les bonnes et les mauvaises, s’il en est de mauvaises.
Il s’avère que la loi et ses moyens de répression sont des moyens « judicieux » pour maintenir l’ordre dans une société donnée, ou, autrement formulé, pour permettre aux individus de ne pas subir l’anarchie, ou l’arbitraire du plus fort.
Dès lors, une notion importante intervient : celle de l’égalité.
Selon la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, à laquelle notre actuelle constitution proclame solennellement son attachement dans son préambule, tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Un peu plus haut dans cette même déclaration, nous pouvons aussi lire que le mépris des droits de l’homme est une des seules causes aux malheurs publics et à la corruption des gouvernements.
Il est intéressant, à l’aune de notre actualité, de mettre en situation le rapport entre les malheurs du peuple, nombreux en ces jours, et le professionnalisme (et non plus l’éthique), qui guide très ostensiblement le parcours de la plupart de nos élus. Sous le terme de « malheurs », j’entends par là ceux qui découlent d’une mauvaise gestion de la chose publique, et non pas ceux que le destin ou le hasard nomment fatalité ou accidents, en conséquence je les fais dépendre de la corruption morale des gouvernants, de ceux qui sont incapables de les prévenir ni de les guérir lorsqu’ils sont avérés.
Une liste de maux sociaux est-elle à établir ? Elle serait longue. Et si aujourd’hui la paix et la démocratie sont encore les alliées de la France, il n’en couve pas moins un mauvais sentiment que j’aimerais analyser, pour mieux dévoiler une réalité qui a quelque mal à apparaître au grand jour.
Les divers attentats qui ont eu lieu en France ces dernières années produisent dans la population des ressentiments durables. C’est malheureux à dire, mais le peuple a ses raisons de penser que ses gouvernants ne recherchent pas systématiquement des solutions, et qu’ils profitent de leur temps au pouvoir pour arranger leur retraite.
Quand certains élus mollissent dans des prérogatives privilégiées mais dépourvues d’obligation de résultats, le peuple subit de plein fouet leur inefficacité. La montée perpétuelle du chômage et les injustices sociales qui en découlent ne parviennent aux gouvernants que sous forme de graphiques, de dossiers et d’images à la télé qui leur renvoient leurs propres postures. Ainsi, quand ils sortent voir ce qui se passe dehors, les responsables de la régression sont si entourés qu’ils sont en situation de baguenaude surveillée, pas d’immersion.
Tout est devenu une affaire d’argent. Comme dans les services financiers des plus grandes entreprises, l’urgence se porte sur les grands comptes et les gros montants. Le reste devient négligeable, alors que c’est dans le souci du détail qu’il est nécessaire de porter son attention. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, et les fleuves sortent de leur lit.
Un père de famille ne peut plus survenir aux besoins de sa famille ; spectateur de sa propre déchéance, qui incriminera-t-il ? Une ménagère se prive pour ses enfants, où trouvera-t-elle de l’aide ? Un membre d’une communauté est stigmatisé, quel recours a-t-il contre cette injustice ? La culture est bafouée, que peut-on faire ? Logiquement tous ces gens se tourneront vers les pouvoirs publics. C’est ainsi que fonctionne normalement notre société, qui doit prévenir autant que guérir. Mais là qu’arrive-t-il si celle-ci fait défaut ? Le père de famille s’enlise, la ménagère augmente ses sacrifices, et le migrant se trouve déchu de ses droits fondamentaux. Quant à la culture, elle manifeste.
À qui la faute ?
À nous tous et à quelques-uns en particulier. À nous qui choisissons mal nos représentants ; à ces représentants qui ne respectent pas leurs promesses, enfin à un consensus pervers qui laisse les choses empirer.
Nous sommes tous coupables, mais je veux espérer qu’un remède est possible, je l’appelle de toute ma voix.
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Je suis intimement intéressé par ce qui touche aux religions, bien que je n’en défende aucune en particulier. De plus, sachant pertinemment que des jeux de pouvoir motivent leurs plus hautes instances, un sentiment de défiance m’anime le plus souvent.
Si en France il y a eu un jour une séparation de l’Église et de l’État, en l’occurrence entre l’Église catholique et l’État français, force est de constater que vis-à-vis d’un groupe qui se fait appeler « État islamique », dont la main armée est un fléau planétaire, tout est à repenser.
République-ment parlant, nous ne sommes pas en mesure d’accueillir les préceptes forcés de ces nouveaux pharisiens, armés de mauvaises intentions à l’égard de nos modes organisationnels en matières sociétales. Qu’aurions-nous à faire d’interprétations subjectives du Coran et de l’application de la sharia ? Historiquement, nous ne sommes plus institutionnellement liés avec les affaires divines.
Ainsi le discours anti-occidental est de mise chez certains partisans d’un islam prosélyte et invasif, en guerre contre ceux qu’ils nomment infidèles. Le terrain s’y prête et tout Français, ancestral ou récent, peut abonder en son sens. En tous les cas, Français ou non, à cause des derniers événements, le jugement au faciès reprend du service et les sémites, toutes confessions confondues, retrouvent le chemin du dénigrement, discrètement, presque sous le manteau.
C’est un peu comme si les élites abandonnaient « la masse » et que celle-ci, livrée à elle-même, se confortait dans l’inconscience et se radicalisait à son tour, trouvant dans l’actualité des prétextes à la monter contre l’ennemi désigné. Seulement, là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas qu’un seul ennemi, ce serait trop facile. Il y a plusieurs ennemis, et ceux-ci s’observent et se toisent en attendant la confrontation physique.
De nos prairies natales, de lait et de miel, la façon d’opérer des radicaux fondamentalistes nous paraît des plus barbares, et c’est ce qu’elle est. Faut-il adopter à leur égard et en retour la même haine fratricide ? Possible, si l’on en juge l’impossibilité de dialogue avec le fanatisme dont font preuve les fers de lance de ses mouvements. Pour moi ce ne sera jamais une solution. C’est le piège dans lequel ces agitateurs veulent nous voir tomber, et dans lequel aucun peuple ne devrait glisser.
Le Français est-il fraternel ? Je pense évidemment à la fraternité naturelle des hommes et des femmes entre eux, pas d’une fraternité conservée entre quelques-uns dans des cercles privés qui génèrent l’intérêt de leurs seuls membres. De prime abord je dirais oui. Mais cette propension positive n’est pas une généralité. L’inhospitalité et le racisme sont des facettes très factuelles sous notre latitude, il n’est guère besoin de s’étaler sur cette misère, les exemples sont pléthores. Untel pourra toujours argumenter sur l’invasion des étrangers ou de l’inquisition islamique, je répondrai que c’est notre système tout entier qui n’est pas capable d’apporter les bonnes réponses à un problème humain, et dont dieu, s’il est souvent invoqué, n’est qu’une vague excuse. La démagogie appellerait plutôt à une conduite civique et responsable. Seul point noir, la rétivité affichée de groupes refusant d’adhérer aux valeurs de la République.
D’où la grande mesure actuellement débattue en France, c’est-à-dire la laïcité. Certes, c’est une solution qui a fait suffisamment de preuves pour être défendue et mise en avant. Mais la réticence du discours islamique dont nous voyons toutes les tentatives pour forcer le système en tentant de déstabiliser l’édifice républicain, lasse une population furieuse de se voir aussi peu entendue et souvent muselée.
Il n’est pas vain de dire que les communautés religieuses nouvellement installées en France ne peuvent légitimement comprendre la signification profonde de la laïcité, quand bien même cet acquis du temporel sur le spirituel leur rendrait une indépendance naturelle.
Le problème majeur, loin du cliché qui veut admettre que l’hôte qui arrive se retourne contre celui qui l’invite, est qu’une population en rupture de repères et de travail devient une masse qui s’appauvrit. Qu’un message charismatique, une idéologie quelconque mais bien formulée se présente et ceux-ci peuvent raviver des esprits emprisonnés dans l’oisiveté. C’est malheureusement un des traits de la faiblesse humaine que de s’affilier à des dogmes. Le nazisme n’a pas été autre chose et le communisme, dans une autre démesure, aura lui aussi laissé dans son sillage des atrocités incomparables dans l’histoire de l’humanité.
Si nous pouvions assurer à tous, en tous les cas au plus grand nombre, l’assurance d’un travail digne et une vie décente, la colonisation des esprits par les fondamentalistes trouverait moins de supporters.
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13 septembre 2015
Court essai sur l’esprit du silence
J’ai lu un jour les mémoires d’une résistante bordelaise durant la dernière guerre. Elle tenait un café dans lequel venaient des résistants en quête d’informations, de laisser-passer ou de toute chose impossible à débattre à voix haute dans un lieu public. Ce qui m’avait le plus impressionné, c’était la difficulté pour cette femme de reconnaître la véritable intention de ceux qui venaient à elle pour un service lié à son activité souterraine. Qu’un individu vînt de la part d’untel ou untel, comment lui faire confiance pour ne pas trahir un réseau ou un camarade, pour ne pas se trahir soi-même.
Il doit y avoir dans les sociétés sous contrôle une psychologie particulière, quasi-instinctive. J’appellerai cela l’esprit du silence.
Mais ce caractère est en l’homme en guerre comme en l’homme de paix. En effet, comment savoir ce que pense une personne si elle ne nous informe pas de ses intentions ou de ses réflexions. D’un visage bouche fermée nul son ne sort, mais de ce même visage l’expression montrera si la personne se tait volontairement ou non.
Quand j’effectuais, en tant qu’appelé vers la fin des années 70, des missions pour l’armée de l’air dans le secteur soviétique de Berlin-Est, il m’arrivait souvent de rencontrer des personnes qui exprimaient, par une simple moue, leur impossibilité de dire, la méfiance ou la crainte. « À l’Est », comme nous avions l’habitude de dire, la curiosité des autochtones restait un événement exceptionnel. Avoir un militaire français en uniforme pour interlocuteur pouvait certainement être suspect pour un observateur, ce qui pouvait se comprendre puisque nous étions en pleine guerre froide.
L’esprit du silence, ou la pensée inaccomplie, s’exerce de tous temps, sous toutes les latitudes. Je l’ai rencontrée dans le monde de l’entreprise, souvent en présence de patrons dirigistes ou dans le cadre de hiérarchies mesquines et méchantes. En fonction souvent des personnes, je le rencontre aussi au cours de discussions banales lorsque le fil dévie par exemple sur les Frères musulmans, sur les arrangements personnels des élus locaux, sur l’intérêt de personnes appartenant à des groupes occultes, sur la surveillance administrative ou sur ce que l’on nomme encore, avec une sorte de serrement dans la voix, les renseignements généraux.
Quoique nous disions, soyons-en conscients, il y a des limites qui, loin de faire le jeu de quelconques joutes intellectuelles de salons, sont susceptibles d’intéresser certains groupuscules, le monde associatif, des individus en veille, le ministère public ou, qui sait, les forces de sécurité de la nation. De fait, la liberté d’expression peut être la proie de forces insoupçonnées, j’y pense souvent.
Enfin, comme je suis d’une nature timorée, je n’irai pas, à priori, chercher des noises à quiconque. Le fanatisme, le crime, la police, tout cela et bien d’autres choses restent pour moi des sujets à roman, pas des quotidiens assumés. Par contre, pour la pertinence d’un propos, ou pour étayer un sujet, je ne dis pas que je ne tenterai pas de me rapprocher d’une certaine vérité, et pour cela rien de tel que le réalisme d’une bon interview.
Il me semble que dans la déontologie du métier, il y a le respect des sources, donc de la confidence. Il me semble également que la justice en tient compte. Jusqu’où ? Le Garde des Sceaux influe-t-il la magistrature sur à ce sujet ? Que proposent exactement la loi sur le renseignement ? Quelles en seront les conséquences ?
Tout ça pour dire que le silence est une dimension omniprésente dans une société donnée.
J’ai toujours rêvé d’être journaliste.
Vous voyez, je suis juste un amateur.
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10 octobre 2015
Essai sur le discours du Premier Ministre du 13 janvier 2015
Le mardi 13 janvier 2015, soit quelques jours seulement après les attentats qui ont secoué Paris, Manuel Valls, Premier ministre de la France, s’est exprimé de façon nette devant l’Assemblée nationale :
— Il faut toujours dire les choses clairement : Oui ! La France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme, et l’islamisme radical.
Ces propos n’ont pas été sans être remarqués, cependant ils ont bien vite disparu de la version écrite proposée sur le site du gouvernement. C’est ma première remarque.
Ensuite, si nous sommes effectivement en guerre sur notre propre sol, pourquoi les terroristes sont-ils armés quand les Français ne le sont pas ? Aujourd’hui, hormis une rare intervention d’anges de combat, (Attentat déjoué dans le train Thalys entre Bruxelles et Paris le vendredi 21 août 2015), un individu peut ouvrir le feu en n’importe quel lieu du territoire en toute quiétude, il sera quasiment sûr de ne trouver aucune résistance, et cela n’est pas normal.
La question que je me pose peut aussi se poser en termes philosophiques que tout le monde comprendra. Je cite Thomas Hobbes, philosophe anglais du XVII° siècle : « Si aucun pouvoir […] n’est assez grand pour assurer notre sécurité, tout homme se reposera sur sa force et son habileté pour se garantir contre les autres. » Sommes-nous alors dans une situation exceptionnelle qui nous intimerait de prendre individuellement des dispositions tout aussi exceptionnelles, quand bien même elles ne seraient pas conformes aux règles en vigueur ? Sommes-nous aujourd’hui dans le domaine du droit naturel ou de la loi ? C’est un débat que nous avions cru résolu depuis longtemps, force est de constater que non.
J’espère que l’hymne national, qui a été chanté par les représentants du peuple dans l’hémicycle ce même 13 janvier, ne soit pas qu’un effet de la grande messe médiatique.
Par ailleurs, toujours dans ce discours, l’interprétation donnée à l’attentat dans l’hyper casher me chiffonne. Que les familles des victimes, si elles parcourent ces quelques lignes, veuillent bien m’en excuser, mais pas une seule seconde il me vient à l’idée de minimiser la violence de ce qui s’est passé ce triste jour qui les a endeuillées.
Il semblerait, mais les renseignements de police ont été assez évasifs sur ce sujet, en tous les cas avec la presse et avec l’opinion publique, que l’auteur de cet attentat ne soit pas entré dans cette épicerie selon une stratégie calculée, comme celle qui avait mené la veille deux terroristes dans les locaux de Charlie Hebdo. Au contraire, il se pourrait que ce fût un pis-aller dans la fuite, soit un hasard.
Je ne dis pas que le gouvernement se serait servi de ce fait pour l’instrumentaliser, mais force est de constater que le mobile antisémite, absent jusqu’alors de ces abominables événements, est devenu dans la bouche de M. Valls un sujet inattendu qui s’intercalait dans cette actualité.
Je comprends que M. Benjamin Djiane, conseiller discours du Premier Ministre à Matignon, se soit laissé emporter par ses convictions religieuses, mais ce n’était peut-être pas le moment de rajouter de l’huile sur le feu, comme c’est si souvent le cas dès qu’il s’agit des affaires juives en France.
Nous savons tous en France à quel point l’antisémitisme est un sujet chargé de douleur. N’était-il pas plus judicieux de reconnaître que les victimes de l’hyper casher étaient tout simplement des Français.
Du coup le sort des dessinateurs semble relégué au second plan. De plus, le propos fait de l’Islam, en l’affublant d’un « isme » et en le qualifiant de radical, le principal ennemi, et le tout confère à ce discours une note communautariste évidente.
La République se doit à toutes les communautés, elle n’a pas à faire montre de préférence, surtout en pareil moment. Un minimum de tact et de déontologie politique aurait été le bienvenu.
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24 novembre 2015
Attentats Made in France
Il y a une charge émotionnelle difficile à exprimer dans les œuvres de ceux qui utilisent l’art ou l’écriture à fin d’alertes. Je pense tout particulièrement à Nicolas Boukhrief et à son film Made in France, dont la sortie en salle, à cause des événements, a été reprogrammée sine die. Ne l’ayant pas vu, tout ce que je peux en dire est qu’il annonce, par la fiction, ce qui vient de se dérouler à Paris ce 13 novembre 2015. Peut-être, et je dis bien « peut-être », qu’il s’agit là d’un opportunisme mercantile lié à la sombre actualité mondiale, qui retentit d’attentats et alimente le cinéma d’une violence sans pareille, ou du désir de provocation d’un cinéaste de bousculer les esprits par un film dont la catharsis ne manquera pas de rassurer ses spectateurs.
Mais en fait il s’agit de bien autre chose qu’une simple opportunité ou qu’une volonté de provoquer. J’en suis absolument sûr et que Boukhrief me pardonne d’avoir à dessein mis le doute chez mon lecteur. Non, j’y vois plus pertinemment un moyen, ici cinématographique, pour montrer et prévenir d’un danger quand tout autour la presse, les autorités et par là la quasi-société masquent une réalité flagrante. L’exercice n’est pas sans laisser des flétrissures. Une telle narration des événements, même fictive, s’inscrit jusqu’au plus profond de l’individu qui juge, à travers le média qu’il aura choisi ou qui lui conviendra le mieux, sa société en son entier.
Prendre l’attitude du veilleur puis être en capacité de manifester sa vision pour alerter d’un danger est assurément une tâche complexe, surtout lorsque l’opinion générale s’est laissée endormir. Peu enclins à troquer leur confort pour une réalité moins oiseuse, les pays dont la population n’a pas connu la guerre sont plus prompts à la critique molle qu’à la clairvoyance. Mais cette clarté n’est l’apanage que de quelques artistes, comme Boukhrief, qui en seront toujours plus ou moins les victimes à un moment ou à un autre. En tous les cas ces artistes en assument la charge. Ces œuvres sont celles de caractères bien trempés, on ne prend pas pour sujet la guerre, un des cavaliers de l’apocalypse, sans en ressentir un poids moral, une responsabilité. À leur façon, ces veilleurs sont les premiers défenseurs de nos libertés, quand bien même leurs créations défenestrent la raison, ce qui est aujourd’hui permis et grandement conseillé, quels que soient les messages et leurs contenus, parce que nous avons besoin d’y voir clair et de réapprendre à lire et à regarder.
Maintenant, que la RATP décide de retirer l’affiche de Made in France de son réseau de tunnels et de stations dans Paris est compréhensible, si l’on s’arrête à l’évocation du souvenir des attentats, cette fois-ci véridiques, du Bataclan et des terrasses de café dans la capitale. Certes, un fusil mitrailleur fiché à l’endroit et place de la Tour Eiffel pouvait produire un effet très négatif dans l’esprit de la population, soudainement marquée au plus fort de ses croyances.
J’ignore quel destin aura ce film qui aura imaginé par avance ce qu’il s’est produit.
De toute évidence ces prophéties ne sont pas au goût de tout le monde, et surtout pas de ceux qui auront volontairement fermé les yeux. D’Isaïe à Jérémie il n’y a que la lettre. En attendant, l’affiche de Made in France a donc été retirée, mais de vraies armes circulent maintenant dans les couloirs du métro parisien.
Quoiqu’il en soit, dignité pour les vraies victimes ou non, c’est bien une forme de censure.
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21 décembre 2015
France ténèbres 2015
Le retour des ténèbres
Joyeux Noël
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Mettre un drapeau devant chez soi, ce n’est pas un geste ordinaire. Nos maisons ne sont pas des institutions publiques. L’appel de Hollande pour le 27 novembre a été peu suivi pour cause d’attentats meurtriers. Dans mon quartier, seules quelques personnes ont arboré les couleurs nationales. Vu le contexte, c’était un peu mal venu. La décimation de la jeunesse dans une salle de concert n’est pas un sujet de réjouissance. Il y a une expression bien de chez nous qui dit : « Il n’y a pas de quoi pavoiser ! ».
* * *
Que voulait au juste notre président ? Que nous manifestions ? Pour qui ? Pour lui ? Pour quoi ? Sa remontée dans les sondages ?
Pour l’unité nationale ? Mais laquelle ?
Celle qui oblige la population à respecter un état d’urgence dévoyé par une police débridée qui ne distingue pas le terroriste de l’écologiste ?
Celle qui stigmatise tout un pan de la société française pendant un débat électoral ?
Danger !
Alors qu’il y a tant de choses à dire, sur les attentats, sur l’état de la planète, sur la liberté d’expression.
Non, le drapeau n’est pas un symbole de défaite, mais celui du progrès et de la victoire. C’est Valmy, Jemmapes, mais pas le Bataclan, ni même Charlie. Que retiendra l’histoire ? Nous n’en savons rien, mais François Hollande est d’ores et déjà le premier président à perdre une bataille sur son propre sol depuis l’armistice du 22 juin 1940.
Quelle gloire !
Ainsi, après avoir hypocritement fait déplacer des familles en deuil lors d’une commémoration aux Invalides, la grand’messe médiatique internationale s’est donné rendez-vous à Paris. Quelques jours à peine ont suffi à montrer toute l’infamie de cette manipulation.
Cette Cop 21, ce beau projet de discussion à l’échelon mondial, cette opportunité planétaire pour que la parole se livre, montre, démontre, discute et se rassemble pour favoriser les échanges, voici qu’elle devient le cadre de référence d’une élite barricadée et loin du peuple de terre. De plus, là où il est question d’économie, au sens noble du terme, nous venons d’assister à l’une des plus grandes dépenses somptuaires de ces dernières années.
Une honte.
Encore une chose, loin de se satisfaire de ces manquements, j’ai entendu le dernier message radio du premier ministre.
Moi, je l’aime bien, notre bonapartiste de service. Le style va-t-en-guerre, empanaché.
Ne trouvez-vous pas, pour autant, que sa façon de nous amener doucement vers un grave conflit est des plus insidieuses. La guerre… je devrais dire « les », car il est question de la guerre contre un certain islam, et de la guerre civile. Soit une guerre sur un sol étranger contre une nation étrangère, et une autre entre nous, Français, sur notre propre sol.
Face à ces multiples contextes, il est en effet possible d’imaginer, en cas d’élection du Front national en 2017, une nuit de purge à la Française, doublée d’une ratonnade géante. Ce serait le scénario idéal pour placer le pays en haute sécurité, et mettre ainsi la République à la merci d’une poignée de dirigeants de pouvoir.
Du coup (d’état), ce serait un peu tard pour vérifier les thèses de ce parti, telles qu’elles sont présentées dans ses dépliants électoraux : de fait elles n’auraient plus cours.
Cependant, en y regardant à deux fois, que fait exactement ce gouvernement de gauche actuellement ?
Économiquement, il donne un large crédit aux banques et au patronat ; il admet la délocalisation et la disparition de l’industrie ; il pérennise le chômage.
Politiquement, il assiste impuissant à l’Europe des lobbys quand il ne les accompagne pas, et ce, souvent au détriment de la santé publique ; il permet l’autocratie dans les villes sous son allégeance et le cumul des mandats ; il augmente les impôts de façon drastique pour maintenir un corporatisme étatique de presque six millions de Français ; il se comporte à peu près comme une monarchie, favorisant les élites courtisanes et dilapidant sans compter le trésor public, et, on peut le dire, il abuse en toute impunité du bien social.
Électoralement, en stigmatisant avec le concours de la presse une partie de l’électorat français à des fins personnelles, il fausse les règles démocratiques et continue d’installer un totalitarisme de la pensée particulièrement pervers, et surtout très efficace,
Géopolitiquement, beaucoup d’observateurs internationaux accusent la France d’intelligence avec les Saoudiens, lesquels dispensent une des politiques les plus controversées de la planète, notamment à cause de sa cruauté envers son peuple et ses financements occultes à des groupes terroristes, ceux-là même qui nous ont lâchement attaqués à Paris en novembre ; et la politique française à l’étranger, jusqu’ici favorable à défendre le peuple syrien, s’accorde aujourd’hui à se ranger du côté de son exterminateur.
À l’intérieur, la loi sur le renseignement permet au gouvernement de surveiller toutes nos communications, faisant ainsi en France le lit futur d’un fascisme de moins en moins complexé, notamment lors de manifestations telles qu’à Sivens, à Notre-Dame-des-Landes et tout dernièrement durant la COP 21 après la mise en place d’un état d’urgence opportuniste.
Humainement, nous assistons à une gestion des réfugiés calamiteuse et indigne de notre propension à nous montrer sous l’angle droit-de-l-hommiste.
Stratégiquement, les faits d’annonce des guerres dans lesquelles plonge le peuple français tout entier contribue au désarroi.
Pourtant, à cette heure, nous ne pouvons douter que la France est un pays démocratique. Il y a encore des leviers qui permettent au peuple de manifester son désaccord. Seulement, face à ce nouveau totalitarisme qui s’empare des idées plutôt que des corps, l’effort de résistance est une nouvelle épreuve pour les libertés individuelles et collectives.
La gangrène s’est déjà très spécifiquement infiltrée dans le milieu intellectuel. Philosophes, écrivain.e.s, cinéastes, artistes, des pans entiers de la société pensante tâche de bien faire, et le résultat est une misère des plus navrantes. Une partie du corps culturel français est incapable de se remettre en question et de se retourner contre celui qui le nourrit si mal, parce qu’il le nourrit.
Quant à la droite, elle ne sait ni penser ni créer, elle ne se lève que pour acquiescer à des ordres élitistes.
* * *
Pour aller dans le sens de Manuel Valls :
Petite perspective fictionnelle de guerre civile
Les Français s’arment, par tous les moyens, surtout au marché noir. Dans toutes les caves de France et de Navarre, nos apprentis miliciens s’entraînent aux maniements des armes. Armes de poings, fusils automatiques, du vieux, du neuf, du déclaré ou pas, n’importe quoi pourvu que ça fonctionne au lendemain des élections présidentielles, quand l’extrême-droite sera passé avec l’assentiment du peuple. Ce sera une nuit sanglante, tolérée, aidée par une police qui aura voté de-ce-côté-ci-des-choses, et un chaos sans nom aura lieu en toute impunité dans nos quartiers en attendant le tour de vis déjà souhaité et prévu à l’avance.
Il y aura ce soir-là deux combats. L’un entre les fascistes, c’est-à-dire les groupuscules paramilitaires, bottes aux pieds et treillis de combat sur le dos, qui se précipiteront sur tous les opposants à l’ordre nouveau. Les responsables d’associations vont en prendre plein la poire, et après ce sera le tour de tous ceux qui, de près ou de loin, ressembleront à un arabe, musulman ou non. La grande ratonnade enfin permise, sous les ors d’un nouveau gouvernement qui fermera les yeux ce jour sacré où ces forces vives pourront enfin montrer à la face du monde leur détermination à faire valoir leurs magnifiques petites idées.
Ce n’est pas un tableau, c’est un récit apocalyptique à prévoir, au même titre que le réchauffement climatique qui produit d’ores et déjà des catastrophes humanitaires d’une ampleur considérable.
Joli scénario, n’est-ce pas ? Merci qui ?
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Totalitarisme bien-pensant de gauche
Cette chose grasse m’inspire la défiance depuis quelques décennies.
J’avais pris le train avec la génération Mitterrand, mais j’ai vite sauté en route quand j’ai compris la manipulation dont la pensée était sujette.
Ce nouveau totalitarisme, bien qu’il serve des individus précis, s’est mis en place de façon quasi-automatique, avec l’accord tacite d’une classe culturelle et politique qui a laissé faire, parce que l’argent, le pouvoir et la reconnaissance sont des arguments sans pareils.
Ce nouveau totalitarisme ne tue pas de façon directe et physique, il enferme dans un vide intellectuel, jusqu’à ce que le non-conformiste disparaisse définitivement des écrans radars.
Ce nouveau totalitarisme instaure peu à peu, sans que la jeunesse s’en rendre vraiment compte, un nivellement par le bas des idées et la pensée devient un cadre inaccessible dans lequel ne s’expose qu’une ligne directrice admise par le parti régnant.
Ce nouveau totalitarisme est nouveau parce qu’il n’a pas besoin d’utiliser la force ou la terreur. Il progresse parce que les individus sont eux-mêmes les propagateurs de leur propre emprisonnement intellectuel.
Ce nouveau totalitarisme est à l’image du carcéral. L’emprisonnement de la conscience est une des formes les plus élaborées du totalitarisme moderne. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce nouveau totalitarisme est tout entier basé sur l’enrichissement et la corruption.
La destruction de la morale sociale est en marche. Le métier d’homme ou de femme politique aujourd’hui est l’activité humaine la moins éthique qui soit en Europe. Les peuples assistent effarés à leur mise sous tutelle intellectuelle ; et s’ils l’acceptent finalement sous la menace des nouveaux nationalismes, il faut que chacun sache que ce nouveau totalitarisme est effectif, qu’il est aujourd’hui beaucoup plus à craindre que le nationalisme, sachant que celui-ci ne dispose d’aucune ressource de pouvoir. Les mouvements nationalistes aujourd’hui n’ont qu’une aura représentative, mais aucune marge de manœuvre en matière de pouvoir politique.
Le danger c’est ce qui se passe aujourd’hui : soit le pouvoir en place. C’est pour cela que toute la société française, européenne et même mondiale, doit s’organiser pour résister au dogme totalitaire actuel.
La soumission des ressources de la planète, la destruction des rapports humains et leur capacité à se fédérer contre les abus des puissants sont à l’ordre du jour de ce nouveau totalitarisme, et je crains que la France en devienne un des principaux fers de lance. Cette France sous le pouvoir d’une gauche qui ne répond plus à ses fondamentaux. Une gauche libérée de ses liens idéologiques qui faisaient sa grandeur, c’est-à-dire la protection des intérêts les plus faibles. En privilégiant maintenant les intérêts des plus forts et des plus grands prédateurs sociaux, la gauche bien-pensante est devenue le grand monstre de ce premier quart du XXI° siècle.
L’être humain perd sa capacité de jugement, et beaucoup de données sur lesquelles il devrait réfléchir sont faussées.
Quant à la menace terroriste, elle tombe à point nommée. Dans un sens, la cruauté en moins, nous pourrions dire du sentiment rebelle qui sous-tend les mouvements anti-occidentaux qu’il est pour nous autres peuples d’occident un modèle de réponse à l’exercice des injustices flagrantes qui se mettent en place, non seulement dans les pays arabo-musulmans mais également ici-même, sous nos latitudes européennes.
Voter pour ses bourreaux, voilà la si navrante réponse des Français aujourd’hui à leur asservissement. C’est dire à quel point ce nouveau totalitarisme est efficient.
* * *
Parce que c’est dans la nature de l’histoire de générer des conflits et de les éteindre. Parce que c’est dans la nature de l’homme de bousiller pour mieux reconstruire. Il suffit d’observer les jeux des petits enfants pour comprendre. Ils sont capables d’assembler minutieusement un édifice, lego, brindilles, objets hétéroclites, puis soudain provoquer l’explosion qui fera tout valdinguer dans le salon.
Que font les gouvernants ? Pareil. Ni plus ni moins. Ce sont pour la plupart des types extrêmement dangereux, des fous en liberté qui se sont arrogé des moyens énormes. Ils s’en servent pour profiter de la vie, quitte à nuire à l’humanité tout entière. Essayez de vouloir pacifier tout ce beau monde et vous verrez, vous toucherez alors leurs petits intérêts claniques et familiaux.
Je m’égare. Il était question de la France qui pavoise. C’est vrai, tous ces gentils morts dans les rues de Paris. Non, gauche inhumaine, je ne t’oublie pas quand j’entends dans tes grands élans guerriers que tu envoies une fois encore le grand porte-avion, le Charles-de-Gaulle, au Moyen-Orient.
Écoutons le général de l’armée :
« Zou, allons déverser nos bombes… Ça va faire plaisir à l’armement… On va pouvoir se mesurer avec nos camarades, savoir enfin celui qu’a la plus grande. Bon, au début, il fallait protéger les civils, ceux aussi qui s’opposaient au dictateur qui tuaient son peuple par tous les moyens, et puis maintenant on va cogner sur les barbus. Finalement, on va aussi dérouiller les civils puisqu’aux dernières nouvelles on va s’mettre du côté d’Assad, le dictateur. Pourquoi ? Eh bien parce que les Ruskofs en ont décidé ainsi. Oui, nous on obéit aux ordres. Du moment qu’on bazarde des bombes, qu’on tire sur des bonshommes, c’est tout ce qui nous intéresse. Que ce soient les Russes ou les Saoudiens qui commandent, on s’en fiche pourvu qu’ils nous envoient jouer à la guéguerre avec de vraies armes. »
* * *
René Tendron, PS.
« C’est tout de même malheureux, mon cher Manu, ce que tu dis là. D’un côté tu tends la main au petit Français des campagnes, de l’autre tu le vomis. Ce n’est pas logique, mon garçon, on n’y comprend plus rien. En plus, tu nous expliques qu’il faudrait aussi qu’on marche sur la tête. Alors il y a ceux qui votent à droite, depuis toujours, et puis voilà qu’ils doivent voter à gauche, pour l’opposant historique en somme. Et lui, il doit voter pour nos représentants. Va comprendre si les cartes ne sont pas truquées.
» En fait, tout ça, c’est bonnet-blanc et blanc-bonnet. Je comprends mieux les bonnets rouges maintenant, c’est plus clair dans le fond, au moins ça veut dire quelque chose, ça ne tourne pas autour de petits intérêts mesquins qui voudraient nous faire croire qu’il en va de la démocratie, c’est leurs gueules d’abord. »
* * *
L’erreur ne doit plus être humaine, l’homme, la femme, jeunes ou moins jeunes, il serait temps de devenir adulte. Ce n’est pas une appartenance à un parti qui doit défragmenter la société. Stigmatiser c’est punir et nourrir le sentiment de la revanche. Au contraire je pense qu’il faut un meilleur consensus.
Lors des résultats du deuxième tour, avez-vous comme moi entendu la colère contenue dans le discours de la représentante du FN. Certes, ne soyons pas naïfs, il y a bel et bien des factions néo-nazis qui défilent dans son ombre, mais tous les électeurs n’en sont pas forcément conscients. Il y a un travail d’éducation et de dialogue à opérer. Il n’y a pas que les musulmans dits « radicaux » qui méritent que l’on se soucie d’eux, beaucoup d’électeurs français ont besoin d’être écoutés et rassurés. Du travail et moins d’impôts, voilà les ingrédients de la paix sociale, ce n’est pourtant pas difficile. Alors pourquoi le gouvernement n’agit pas et laisse empirer les choses ? Au-delà de son incompétence manifeste, de son irresponsabilité, quel est son intérêt occulte ? Et à qui profite cet intérêt occulte ?
Leurs noms et adresses, s’il vous plait, que la loi sur le renseignement serve à informer les citoyens.
* * *
Le président du tribunal populaire :
« La dernière fois qu’on a sorti les petits drapeaux, et les grands par-dessus le marché, c’était à la Libération. Ah, c’était autre chose ! C’était une victoire, une vraie libération, une belle journée qui plus est, pas un constat de fainéants devant leur pitoyable travail, quelle misère, vous vous rendez compte, rien qu’au Bataclan, une salle où l’on danse, où l’on écoute de la musique, plus de cent jeunes assassinés, alors leur cérémonie dans la grisaille d’un petit matin de novembre. Quelle tristesse. Une honte. Je pense à toutes ces familles. Elles se seraient bien passées de l’hommage qui a été fait à leurs enfants décédés dans Paris ce tragique vendredi 13 novembre. Vous imaginez, vous, les médias qui commentent l’attentat et les portables de votre enfant qui ne répond pas, où qui sonnent et résonnent au-dessus d’une mêlée de corps, pauvres gens pauvres gosses. À la cérémonie il y en avait même un, qu’il paraît, qui tournait le dos, un signe de contestation, pour sûr, là, il y avait de quoi. Vous croyez que nos gouvernants ils auraient fait quelque chose après le 7 janvier, quand ils ont tués le grand Duduche et ses petits camarades. Ils auront beau faire — ce qui est mal parti — ces gens-là, eux qui dirigent, qui se croient au-dessus du droit parce qu’ils ont des prérogatives, eh bien ils ont déjà des comptes à rendre devant la nation, devant le peuple, devant chaque individu.
» Nous accusons ces gens-là, le Président et tous ceux qui ont soutenu sa politique, d’irresponsabilité aggravée. La sentence, même si on ne peut pas faire grand’chose et qu’ils couleront une retraite tranquille à grands frais, est leur obligation de quitter le gouvernement séance tenante et de laisser faire les personnes plus compétentes.
» Huissier, organisez de nouvelles élections, je vous prie.
― C’est en cours, citoyen président, c’est en cours, mais cela ne nous dit pas qui sera élu, son degré de compétence, et quelle sera sa nouvelle politique.
― Très juste. Vous voyez qui pourrait faire l’affaire ?
― Non, et vous ?
― Non plus.
― C’est inquiétant.
― Plutôt… »
* * *
Myriam Mateau, vote LR.
« Moi, ce qui m’ennuie dans l’histoire, même si je n’ai pas voté FN, c’est que la société actuelle, avec sa morale viciée, elle ose dire qu’il y a plus de six millions de Français qui sont des salauds, et vous avez un tas de gens de tous âges sur les réseaux sociaux qui font pareil, qui défèquent sur ces gens-là, qui n’ont pas une noisette de bon sens dans leur petit cortex cérébral, qui les injurient, qui les vomissent. Cette situation n’est pas saine, une implosion est à craindre, et nos politiques continuent à ne rien comprendre. »
* * *
Raymond Gaillard, routier :
« C’est ça le recueillement ? Une bande de matons en noir qui piègent de pauvres gars qui manifestent pour une terre plus verte. Sans déconner, parce que là ça déconne grave, il faudrait voir à pas nous prendre pour des cons. L’état d’urgence, à la rigueur, on aurait pu comprendre après l’attentat à Charlie, mais ils ont rien fait là-haut, ils ont défilé en récupérant l’événement, en tirant la couverture à eux, la télé et tout l’toutim. J’te jure, j’les regardais dans mon camion — ouais, j’regarde un peu en roulant, c’est pas interdit, quoi ! — toute cette bande d’hypocrites, j’te foutrais tout ça par-dessus bord, moi, à la casse et j’en mettrais des plus intelligents, des moins corrompus, tiens ! Y’avait même un Arabe et un autre du Hamas avec son coéquipier d’Israël. Attends, on est dans quel monde ? Dans quel pays de collabos ? Bien sûr qu’il y a complot, et ils s’en foutent tous plein les fouilles à notre détriment. »
* * *
Gisèle Crampon, commerçante à Nation.
« Mais qu’est-ce qu’il lui prend à ce gouvernement ? Après son incapacité à défendre une jeunesse qui s’est faite massacrée pour lui faire plaisir, il ordonne à la police de frapper des gamin.es et des vieux dans la rue. »
* * *
Olivier Bensalem, universitaire boursier à la Sorbonne :
« Moi, l’idée d’unité nationale, j’veux bien, mais voilà, je suis allé manifester le 11 janvier après l’attentat à Charlie Hebdo… par solidarité mais aussi parce qu’on peut pas rester indifférent… c’était pour moi un moment sans véritable conscience, une sorte de jour étrange où j’ai un peu suivi d’abord… tu vois, un moment hors du temps, mais il y avait une réalité pourtant… je ne suis pas particulièrement militant… il y a à la fac plein d’étudiant.es qui militent pour tout un tas de truc, mais là, quand j’ai compris que les politiques récupéraient l’événement… ça m’a dégoûté et je me suis dit qu’on pouvait pas laisser ces types continuer à déposséder les gens comme ça, de leur voix… de leur dignité, et du coup je comprends mieux les autres étudiant.es maintenant, si avant j’avais pas la culture militante, je crois que je saurais me rappeler de ce jour… »
* * *
L’homme du peuple
Il est à sa table
Devant sa fenêtre du soir
Les rideaux tirés sur les derniers rayons
Un œil sur le dehors
Son jardin potager
L’autre en dedans
Il graisse sa pétoire
Sur la table de la cuisine
Le manche en bois sur la toile cirée
La culasse sur ses genoux
Son chiffon est gras
Il va et vient dans l’âme du canon
Sa femme le regarde
À son fourneau la soupe
La télé dans un coin
«
Ils l’ont dit l’mot malin
Celui qui heurte
Les consciences et les cœurs
Le premier ministre
L’ex-taulier de la France
Et son successeur
Si c’est ça qu’vous voulez…
»
V’là qu’il pense le pécore
Il se souvient de son père
Et de son père avant lui
De 14 et de 40
Du coup
Il a décroché la pétoire
De sur la cheminée
«
Attends voir, qu’il susurre
On va enfin marcher droit
Dans nos bottes
Qu’le trottoir est à nous
»
* * *
Roland Perchureau :
De toutes les façons, le gouvernement n’en a rien à foutre de vos gueules. Y’a qu’à voir les saloperies sanitaires qu’ils nous préparent pour nous exterminer.
*
* *