15 février 2023
24 poètes pour l’UKRAINE
Magnifiques traits de l’âme.
La poésie dit toujours une vérité.
Les éditions DOUCEY viennent de publier un recueil partisan de poésies ukrainiennes. Cette anthologie est établie par Ella YEVTOUCHENKO et l’éditeur. Les textes oscillent sur une période comprise entre le début du XVIII° siècle —Taras CHEVTCHENKO est né en 1814 — et aujourd’hui, soit en 2023 où la guerre sévit sur le sol ukrainien depuis un an.
Ces poésies sont d’une profondeur admirable, dans le sens de la terreur qui les inspire, et du malheur car cette guerre, comme toutes les autres, est un grand malheur.
Je soutiens énergiquement ces poètes face à l’inhumanité de la guerre. Pourtant, la voix des poètes de l’est de l’Ukraine n’y chante pas ses pleurs ni l’injustice vécue aussi dans cette partie du monde. Cette Ukraine, qui existe bel et bien, souffre autant de misères, et ce depuis de trop longues années, dans un silence déchiré par les bombardements. Son absence dans ce recueil est dommage parce que l’impression qui se dégage de ce recueil est une vision unilatérale de la situation ukrainienne.
Pour nous, en tous les cas pour moi, et j’avoue avoir du mal à saisir toutes les subtilités des forces qui s’exercent en Ukraine (je comprends mieux l’histoire des Chouans, celle de l’Alsace-Lorraine ou du pays basque), nous vivons néanmoins cette guerre à nos portes de manière spectaculaire et trop souvent polémique. Si des voix disent que ce conflit ne nous regarde pas, nous sommes impliqués, ne serait-ce que par l’aide de notre président à son homologue ukrainien.
Mais alors que tant d’autres injustices sévissent de par le monde, nous aurons toujours la latitude de militer pour autre chose que la discorde, car celle-ci déborde déjà des limites dans lesquelles elle semble circonscrite.
Des forces, positionnées sur des intérêts atlantistes ou russes, européens ou strictement ukrainiens, mondialistes ou nationalistes, se déchaînent et mettent en danger la paix sur notre continent. Que nous soyons poètes ou non, j’ai le sentiment qu’il est de la responsabilité de chacun de ne pas rentrer dans cette logique ascensionnelle du désastre, déjà bien entamée.
Il faut entendre toutes les parties, écouter leurs plaintes et faire taire les armes. Le dialogue est vital, et il serait déjà temps de commencer à réparer ce qui doit l’être, hôpitaux, écoles, logements, à l’est comme à l’ouest du pays.
Conciliation et réconciliation. Rien ne devrait être plus urgent. Les états et les partis en sont-ils capables ? Les poètes et les artistes, entre eux déjà, pourraient le faire. Les peuples, dans leur immense conscience parviendraient peut-être à contraindre leurs dirigeants à plus de mansuétude, à moins de prétention.
D’où qu’elle provienne, la propagande, si corruptrice, exhorte à la haine et à la dissension, et la presse ne vaut pas mieux. Rien n’est plus funeste à la concorde, et ses propagateurs participent à la plus néfaste des œuvres en armant le bras des êtres contre eux-mêmes.
Il y a chez des artistes des voix engagées dans la lutte, contre l’oppresseur, quel qu’il soit.
L’Europe, en voie d’extrême-extrême-droitisation, est loin, très loin de satisfaire la liberté d’expression, et nous avons, ici même, en France, des mouvements contre une dictature qui ne dit pas son nom mais qui sait infliger la censure et pratiquer la mise au ban des lanceurs d’alerte et de ses poètes. Par une nouvelle forme de collaboration.
Par chance, 24 poètes ukrainiens bénéficient d’une couverture médiatique que nul poète un tant soit peu pertinent en France n’a obtenue depuis des décennies. Comment, dans cette situation, un écrivain français doit-il interpréter ce fait ?
Ella YEVTOUCHENKO, dans l’éditorial qu’elle cosigne avec Bruno DOUCEY, pose la question :
« Comment cette braise sera-t-elle comprise en France ? »
Si elle me lit, je voudrais qu’elle sache que le modèle démocratique qu’elle semble attendre de la France n’existe plus. Toute notre culture, aussi bien artistique qu’économique, tend à disparaître au profit d’intérêts purement capitalistiques, pour lesquels la liberté et la démocratie, comme dans les guerres coloniales des ordres nouveau ou mondial, sont des mots accrochés sur des pancartes, alors que des martyrs croupissent au fonds de fosses communes ou sont en état latent de mort sociale. Cette situation se rapproche de plus en plus de celle de certains états totalitaires.
Nous sommes donc en France également quelques-uns engagés dans des mouvements de résistance intellectuels.
Car oui, la liberté est en danger au pays de Rousseau. L’esclavagisme politique redevient notre lot. Le peuple se vassalise par la force de l’oppression. Nous l’avons vu pendant l’apparition des Gilets-jaunes, dont le mouvement traversa les frontières. Pourquoi ce mouvement est-il parti de notre terroir ? Parce que son gouvernement et ses dirigeants sont devenus si malveillants que la conscience du peuple français s’est un jour réveillée, avant d’avoir été si durement réprimée, alors que toutes ses revendications étaient des plus légitimes.
Pourquoi la poésie ukrainienne ne cueille-t-elle ses plus belles fleurs que dans le discours contemporain pro-occidental, avec toute l’injustice admise sur les peuples à l’est du pays ?
24 poètes empruntent l’unique message permis actuellement en France sur la situation ukrainienne. Un message qui permet l’insidieuse censure dont nous souffrons dès lors que nous demandons des justifications ou dénonçons les manœuvres de la propagande européenne sur ce sujet, où nous savons que de terribles forces idéologiques survivent, avec l’assentiment de l’Allemagne, leur mère-patrie.
Sauf à nous laisser totalement déborder par l’atlantisme, qui nous submerge, nous grignote et ne pense qu’à nous soumettre et nous endetter, exactement comme les Etats-Unis pensent le faire à court et moyen terme avec l’Ukraine, nos deux cultures, française et ukrainienne auraient une résistance solidaire à mettre en place. Nos deux pays sont en train de perdre leur indépendance. L’Ukraine sous les feux de la guerre entre deux conceptions du libéralisme ; la France en reddition de sa souveraineté sous une emprise européenne financiarisée et une dictature intérieure de plus en plus marquée.
Toute la propagande actuelle se construit de manière prosélyte. Son public doit prendre parti. Il ne s’agit que d’influences xénophobes, racistes, nationalistes, toutes influencées par l’orchestration de la peur. Ici, l’allié d’hier, la Russie, est décrite comme le pire des monstres. Mais comment faire l’impasse sur le fait que ses soldats et sa population nous ont permis de refouler la menace nazie hors de nos frontières. Et, de surcroît, que nous n’avons guère envie de la voir ressurgir, comme elle semble renaître en Europe, et notamment en Ukraine de l’ouest, à Kiev.
Voilà ce qu’un Français, une voix anonyme sans doute, peut penser à la réception de « Ukraine 24 poètes pour un pays ».
Et pendant ce temps-là
Et pendant ce temps-là, le cinéma US et ses super-héros, ses rebelles, ses catastrophes et sa guerre froide contre l’ennemi rouge ou islamiste continue son œuvre débilitante sans qu’il soit possible de l’arrêter.
Et pendant ce temps, l’atlantisme va-t-en-guerre pousse l’Europe à entrer en guerre avec la Russie, pour nous détruire et convoiter la reconstruction de nos économies comme en son temps le plan Marshal.
Pendant ce temps-là, l’Europe allemande reste coite et laisse défiler les pires bataillons sous ses fenêtres.
Pendant ce temps-là, la fraternité ukrainienne ne fonctionne plus et un peuple se retourne sur lui-même.
Et pendant ce temps-là, les monothéismes promeuvent chacun leur Livre et ses prophètes.
Et pendant ce temps-là, l’Afrique continue d’être pillée.
Et pendant ce temps-là, les fabricants d’armes se lèchent les doigts et la bourse monte.
Sans parler de la nature, sous les chenilles des chars ou des excavatrices …
Le chemin pour la paix est jonché de contre-pacifistes, comme toute révolution comporte ses contre-révolutionnaires, ses réfractaires, mais elle reste souhaitable. C’est en soi l’unique voie possible. Attendre le jugement de Dieu au terme d’un duel fratricide est une ineptie digne d’une chevalerie obsolète. L’Histoire nous montre qu’aucune guerre n’a durée. Celle qui oppose l’Ukraine occidentale et l’Ukraine orientale cessera aussi un jour, autant qu’elle commence maintenant ?
24 poètes nous en donnent une preuve flagrante.
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